La Goulue au pont de Gournay
LA GOULUE au Pont de Gournay, c’est une légende à laquelle plusieurs de mes connaissances chelloises croient dur comme fer. Et si c’était vrai ?
Le point de départ d’une légende n’est jamais facile à retrouver, c’est souvent par hasard que la vérité se découvre.
Quelle histoire incroyable cette légende ferait. La Goulue fut un personnage si inclassable et si extraordinaire. C’était un personnage bien réel qui avait pourtant l’air de sortir d’un roman social à la Zola, voyez donc :
La Goulue et son spectacle de chahuteuse
https://www.montmartre-secret.com/article-montmartre-la-goulue-et-toulouse-lautrec-53044501.html
La Goulue est née Louise Joséphine Weber à Clichy le 12 juillet 1866 de parents alsaciens montés à Paris. Pendant la guerre franco-prussienne sa famille a fui les bombardements de Clichy et s’est réfugiée dans le XVIIe. C’est là qu’elle débuta au bal public organisé en faveur de l’Alsace Lorraine à l’âge de 6 ans et son père commença à l’exhiber. Elle devient très jeune une experte en chahut, dansant sur les tables et s’asseyant sur les genoux du public. Elle va exceller dans la provocation et l’exhibitionnisme dans les cabarets des boulevards alternant avec des emplois de blanchisseuse où elle ne se prive pas de passer les habits des clientes. Evidemment elle fréquente des mauvais garçons. Enchainant des poses de modèles pour les photographes de nus et les peintres (Auguste Renoir notamment). Elle acquiert une réputation de demi-mondaines mais elle n’y fait pas les choses à moitié et vide les verres qui se présentent.
En communion avec son ami Henri de Toulouse-Lautrec
C’est un fabuleux sujet en mouvement pour les dessinateurs, les affichistes et les peintres, Roedel, Anquetin, Toulouse-Lautrec, etc …
La Goulue entrant au Moulin Rouge par T-L
Frous frous et french cancan
Artiste de revues, au Moulin Rouge et ailleurs, la Goulue est la partenaire des danseuses Grille d’Égout, La Sauterelle, Nini Patte en l’air etc…et la partenaires des danseurs Fil de fer, Grille -Tout, Tortillard, Valentin le Désossé, etc…
voir http://lagouluedelautrec.over-blog.com/pages/LA_GOULUE_BIOGRAPHIE_OFFICIELLE_-931529.html
Elle danse dans les bals du boulevard de Clichy et dans les cabarets et bals de Montmartre ou de Montparnasse, elle est lancée dans le cancan auprès de danseuses et de danseurs vedettes. Elle est devenue danseuse de revue, à l’Alcazar, en continuant de jouer son rôle de chahuteuse. Elle chahute surtout les bonnes mœurs avec lesquels elle fait le grand écart et fait un tabac. Elle a également touché au cirque en jouant la dompteuse.
Selon wikipedia (sous réserves) : Riche et célèbre, en 1895 elle décide de quitter le Moulin Rouge et de se mettre à son compte dans les fêtes foraines puis comme dompteuse. Le 6 avril, elle passe commande à Toulouse-Lautrec de panneaux décoratifs pour orner sa baraque de danseuse orientale. En décembre 1895, La Goulue accouche d’un fils, Simon Victor, de père inconnu (« un prince », disait- elle). Un forain l’adopte et lui donne son nom.
Au faîte de sa gloire en 1895 à 28 ans, elle devait de toute façon suspendre sa participation aux revues en raison de sa maternité peu compatible avec le grand écart. Elle se lanca à son compte comme meneuse de revue foraine avec un spectacle à la Foire du Trône mêlant french cancan et danse orientale. Elle s’est procuré une sorte de « barnum »1 de forain pour lequel elle commande le 6 avril des panneaux de décor à son ami Henri de Toulouse-Lautrec.
Le panneau de 9 m2 qui avait été vendu en petits morceaux a été reconstitué en 1930 Henri de Toulouse-Lautrec
Titre principal : La Danse au Moulin rouge Autre titre : La goulue et Valentin le désossé Peint en 1895 Huile sur toile H. 298,0 ; L. 316,0 cm. Achat par les Musées nationaux en 1929 à l’exception du fragment de Valentin le désossé don de M Auffray en 1929
© RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
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1 Barnum : tente de forain dont le nom vient de Phineas Taylor Barnum (1810-1891) célèbre directeur de cirque et monteur de spectacles américains.
Un décor de barnum peint par Toulouse-Lautrec.
Le panneau de droite par Toulouse-Lautrec restauré par le Musée d’Orsay
La revue foraine est un échec, très peu de temps après elle devient meneuse d’un spectacle de domptage de bêtes sauvages, de loups et de félins. Un de ses assistants forains dompteurs s’appelait Simon Colle, né en 1870 de parents boulangers, rue Mouffetard Paris Ve.
Enceinte, en quittant ses amies des frous-frous, elle déclara qu’elle devait sa maternité à un prince, amour éphémère. Mais quand Louise accoucha d’un petit garçon chez eux 14 rue Lécluse à Montmartre, le 29 décembre 1895, c’est lui, Simon Colle, qui s’y colle et qui va déclarer à la mairie du XVIIe la naissance d’un garçon né au domicile des père et mère, issu de Louise Joséphine Weber, profession artiste chorégraphique, âgée de 29 ans et de lui-même, profession voyageur forain âgé de 25 ans. Il donna le prénom de Simon Victor au bébé Colle. Quinze jours plus tard, Louise Weber vint à l’état-civil pour reconnaitre son fils en Simon Victor Colle.
Plus tard elle dira qu’elle avait demandé à Simon de lui rendre service en adoptant Simon Victor. Allez savoir !
Archives de Paris, Acte de naissance de Simon Victor Colle à la Mairie du XVIIe.
Le Journal (de Paris) du 19 avril 1899 raconte un incident de dressage de Loups où la Goulue fut mordue au sang. L’incident ne la découragea pas du tout.
La Goulue ne manquait pas de courage elle était très exigeante avec elle-même et avec les siens.
Simon Colle va faire partie du spectacle de dressage de fauves de la Goulue pendant au moins cinq ans. Mais début 1900 Simon fut victime d’un coup de couteau lors d’une rixe à Aubervilliers.
Source: Retronews
Simon Colle sort de la vie de la Goulue à cette époque, le petit Simon Victor Colle restant avec sa mère qui se marie pour la première fois en 1900 à Joseph N. Droxler, un artiste et dompteur de fauves.
En mai 1908 la Goulue fait travailler Simon Victor Colle son fils âgé de 12 ans dans la cage aux lions d’une ménagerie installée Cours de Vincennes à Paris Il est mordu pas une lionne. Ça durcit le cuir parait-il.
Retronews fiche de forain 1914 Simon Victor Colle.
A l’époque de sa fiche de forain (ses 18 ans) il donne comme adresse le 17 Bd Rochechouard le domicile de Simon Colle.
Selon une mention marginale de son acte de naissance Simon Victor Colle se maria à 21 ans, le 26 février 1916, avec Germaine Jullien (1896- ). Peu après il fut condamné à de la prison par le conseil de guerre pour avoir produit des faux.
Il est décédé tragiquement à 27 ans en 1922 à Conflans.
L’acte de décès de Simon Victor Colle le 17 septembre 1922 indique qu’à l’époque il partageait administrativement en tant qu’artiste forain, le domicile de sa mère Louise Joséphine Weber dite la Goulue 59, rue de l’Entrepôt à Saint Ouen et disposait d’une villégiature villa Ma Campagne 4, route d’Herblay à Conflans-Sainte-Honorine
Heureusement, Simon Victor Colle avait eu une relation en 1913 à 18 ans avec une certaine Mlle Adeline Perruquet (1884-1943) 2qui lui donna un enfant naturel Marthe Perruquet (1914-1993) qui épousa Paul Souvais (1914-1965).
La Goulue a donc officiellement un descendant aujourd’hui en la personne de M. Michel Souvais qui veille très efficacement à son souvenir.
C’est en faisant des recherches historiques sur les Morts pour la France inscrits en lettres d’or au Monument aux Morts de Gournay, que fut involontairement trouvé une piste nous ramenant à l’histoire de la Goulue.
1. une petite note de wikipedia de l’article sur la Goulue nous dit : Simon-Victor Colle eut une liaison en 1913 avec une cuisinière d’origine italienne, Adeline Perruquet, née à Chambave, Val d’Aoste, en 1884, dont il eut une fille, Marthe, née à Paris XVIIIe, le 24 octobre 1914.
Le jeune Pierre Colle, 1922-1944, est mort à 21 ans pour la France.
Selon son fichier militaire et le site Mémoire des Hommes qui cite les archives du Service Historique de la Défense de Caen il existe un dossier Cote AC 21 P 47268, pour le sous- officier Pierre Colle du Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc RICM qui fut tué à l’ennemi, le 19 novembre 1944, à Hirtzbach Haut Rhin qui est libérée le lendemain.
Nous avons fini par trouver l’acte de naissance de Pierre Colle, 14 rue Rochechouard, Paris IXe, fils d’un certain Simon Colle, publiciste et de son épouse légitime Francine Gohmann, Il était né le 29/12/1922. Nous avons cherché quel était le lien entre Pierre Colle et la commune de Gournay et avons découvert dans la liste électorale (uniquement masculine) de Gournay en 1939, que deux frères Colle habitaient au quai Chétivet, à quelques mètres de Chelles.
Après vérification à partir de la date de naissance il ressort que le père de Pierre Colle, Simon Colle de Gournay était né de parents boulangers, rue Mouffetard et qu’avant d’être journaliste il fut forain. C’est bien le père de Simon Victor Colle, fils de la Goulue. Il n’est pas impossible que Marthe la petite fille de la Goulue soit venue en vacance chez son père (à l’état civil) Simon Colle à Gournay avant la guerre 39-45.
Simon Colle est décédé à Paris le 15 mai 1950 à l’âge de 79 ans après une vie rocambolesque qui mériterait un roman. Il avait aussi accumulé un beau patrimoine comprenant une belle demeure principale 17, Boulevard Rochechouard et un villa quai de Chetivet à Gournay-sur-Marne (hélas sans plus de précision), sans parler de Deauville ou Trouville .
Après le domptage et sa mauvaise rencontre avec un couteau à Aubervilliers Simon Colle avait vraiment changé d’orientation. Sa carrure lui avait permis de devenir secrétaire particulier et garde du corps de Letellier, un architecte et chef de plusieurs entreprises du BTP internationales. Eugène Letellier avait besoin d’un costaud discret pour l’escorter dans les lieux interlopes des boulevards. Après son décès en 1923, Simon passa au service du fils, Henri Letellier, homme d’affaire très connu, frère de la Veuve d’Albert Menier, propriétaire et directeur de journaux et un promoteur de stations estivales, notamment Deauville. Simon Colle, homme de confiance et factotum du patron devint journaliste dans les journaux de son patron (dont le Journal de Paris et plus tard Paris Soir) et l’accompagna dans de beaux coups financiers.
Simon Colle eut droit à un milieu de la première page d’un journal concurrent, l’Excelsior du 6 décembre 1927, à l’une de ses sorties de la brigade financière.
Simon Colle Henri Letellier
Louise Joséphine Weber dite la Goulue est morte le 29 janvier 1929 à 62 ans à Paris Xe. Toujours foraine, elle était pour la police des forains domiciliée dans sa roulotte 59 rue de l’entrepôt à Saint Ouen. Souffrant de rétention d’eau, elle était méconnaissable.