La fête à Gournay sous la 3ème république
La fête à Gournay sous la troisième république
En 1874, Gournay se remettait tout juste de la guerre, il fallait faire revenir les clients parisiens dans les restaurants et les hôtels avec un programme attractif de juin à septembre.
Le moment fort était la fête officielle de Gournay, le troisième dimanche de juillet.
Bal populaire à Paris en 1885 Photographie de Paul Géniaux Musée Carnavalet
Les journaux parisiens furent traditionnellement chargés de populariser les fêtes champêtres de Gournay auprès des parisiens qui profitèrent du chemin de fer dès 1849 pour venir s’y détendre, à juste une grosse demi-heure depuis la Gare de l’Est.
Le Temps 19 juillet 1874
La fête de la nuit et des lampions sur l’eau en 1876 et 1878 ; c’était même mieux qu’à Venise à en croire le journaliste qui avait été invité par Gustave Nast, maire et châtelain de Gournay.
Alors que ce n’est qu’en 1880 que le « 14 juillet » devint la fête nationale française, pour Gournay qui commençait ses festivités estivales en juin, le 14 juillet devenu férié ne pouvait qu’accroître le nombre de ses visiteurs.
Sans sectarisme, le journal Le Cri Du Peuple et le journal Le Parti ouvrier (à l’époque bien à gauche) ne se font pas prier pour annoncer la fête patronale de Gournay-sur-Marne. Il est vrai que ce n’est plus le conservateur et châtelain M. Nast, le maire de Gournay, mais de 1886 à mi 1888 M. Poncelet qui est de tendance radicale.
À Gournay-sur-Marne, à la fin du XIXème, la Saint Arnoult, la fête patronale du 18 juillet ou du troisième dimanche de juillet prolongeait les festivités du 14 juillet, c’était l’occasion de faire la fête quelques jours de plus. Les forains étaient déjà là avec leur cirque et les divers jeux et tombola. Le mot bal était forcément au pluriel à Gournay.
Le Maire de Gournay, depuis mi 1888, que l’on dit modéré, M. Jules Reboul, architecte parisien, s’entend bien avec le maire de Chelles, M. Eterlet. Les festivités de 1891 sont visiblement bien coordonnées pour le 14 juillet de Chelles et la fête patronale de la Saint Arnoult de Gournay le 18 juillet. Le flonflon de la fanfare de Chelles s’entend bien jusqu’à Chelles quand elle joue à Gournay et réciproquement.
En 1892 M. Reboul, maire de Gournay, et grand architecte parisien n’oubliait pas les enfants qu’il gâtait avec un bal et des joujoux.
La fête de 1894 fut l’occasion de célébrer les magnifiques talents des horticulteurs de Gournay-sur-Marne : les Brailly, les Jouanne notamment sont les chevilles ouvrières d’une exposition d’horticulture qui va faire des jaloux à Gagny et même au Raincy.
En 1895 Roger Ballu qui était déjà conseiller d’arrondissement du Raincy et conseiller municipal de Gournay, se fit élire maire après la démission surprise (et organisée) de son ami Reboul. Tout au long de ses mandats jusqu’à son décès en mai 1908, il misa sur les fêtes de toutes natures à Gournay. Ça le changeait un peu des banquets d’artistes à Montmartre où il avait son rond de serviette le reste de la semaine.
Lucien Henri Weil dit Weiluc (1873-1947) Bal populaire 1900
De 1995 à 1908 presque tous les suffrages se portaient sur sa liste nettement cléricale, et pourtant Roger Ballu qui a beaucoup fait pour l’église de Gournay, développa alors une fête de moins en moins patronale et de plus en plus récréative.
Alphonse Auger 1900-Caen-Le Bournat
En 1896, la commune de Gournay-sur-Marne qui n’avait alors officiellement que 282 habitants (dont moitié de résidents non-permanents) recevait des centaines de musiciens. Ce n’était pas sa population qui était la cible de ces grosses festivités mais bien les parisiens indispensables aux petites et grandes tables de la commune, à ses hôtels et pensions.
La commune payait le transport aux musiciens, ils se débrouillaient pour le reste.
Le Chahut chez Gégéne 1900
Après le décès de Roger Ballu, Gournay connut le même folklore populaire que Joinville, La Varenne, Champigny, Nogent, etc.. S’ajoutèrent à la culture et à la musique chères à Roger Ballu des jeux plutôt sportifs pour impressionner les spectatrices parisiennes. Les jeux de massacres et les courses en sacs ne manquaient pas de charmes. Les joutes nautiques à la lance étaient très sportives et spectaculaires.
La course aux sacs
Extrait d’un film de Louis Lumière de 1896. Musée des frères Lumière, Lyon
Les visiteurs de la fête ne devaient pas oublier de diner avant le feu d’artifice hebdomadaire sur la Marne.
Certaines tables devaient être très convoitées, près du bal champêtre chez Arnout ou sur la péniche-restaurant d’ A.Motte, un coup devant chez Arnout, rive droite, un coup, rive gauche juste en avant du pont, au quai des patis devenu dans le cadre du lotissement du Prieuré, le quai du Château Blanc.
et la fête continuait fin juillet
Des courses de vélocipèdes firent leur entrée dans le folklore gournaysien en 1896
Les courses de grenouilles en brouette ça devait être vraiment quelque chose.
Le « jeu du chemin de l’amour » laisse rêver ; a-t-il eu des gagnantes ? Désolé nous n’avons pas d’image de ce jeu !
À présent le village de Gournay se mettait en quatre pour accueillir cinquante fois plus de fêtards, venus en train, attirés par l’annonce des réjouissances dans les journaux de Paris du vendredi et par la réputation des festoiements[1] dans les établissements des bords de Marne de Gournay et de Chelles.
Richard Ranft (1862-1931) Le bal, vers 1900 Gravure (Eau-forte & Aquatint) Drouot
Le peintre et graveur Richard Ranft fréquenta entre 1900 et 1905 nos bords de Marne, il réalisa plusieurs dizaines d’estampes, aquarelles et aquateintes de scènes de fêtes et de canotage de Gournay à Lagny.
Richard Ranft 1900 aquateinte sur eaux fortes. Le bal masqué
Toute cette organisation municipale et gastronomique s’appuyait sur le dynamique Monsieur Jouanne, conseiller municipal, qui s’est ensuite lancé professionnellement dans l’organisation d’événements publics, mariages et fêtes.
À l’époque la place ne manquait pas à Gournay pour accueillir des forains, des fanfares, des chorales et toutes sortes d’attractions ludiques.
En 1904, le maire, Roger Ballu, démontrait, malgré son étiquette conservatrice, qu’il n’était pas sectaire. Il faisait passer ses annonces publicitaires de Gournay à l’identique dans l’Humanité fondée cette année 1904 par Jean Jaurès et ses amis socialistes et dans l’Écho de Paris très nettement à droite.
Pour se différencier des autres communes il fallait du spectaculaire d’où le ballon captif en 1905 pour s’envoyer en l’air en famille.
Roger Ballu n’hésitait pas à ratisser large. Il faisait encore sa publicité en 1905 dans le journal de ses pires opposants politiques, les socialistes, anticléricaux et dreyfusards.
C’était la belle époque, les festivités de l’été à visées culturelles, surtout musicales furent mises en avant dans les programmes annoncés dans la presse parisienne.
Le directeur de la fanfare municipale de Gournay, M. Adrien Lapersonne devint une personnalité incontournable pour l’organisation des festivités.
Bientôt, le bal champêtre de jour ne suffisait plus, le public accourait aussi au bal de nuit. Et là c’était surtout l’élégance des parisiennes, qui avait son importance.
Richard Ranft le Bal 1900 estampe en aquateinte
Les animations s’étalaient du samedi au dimanche, et parfois sur la semaine. Le public pouvait compter sur la régularité du train de la Gare de l’Est, plus fiable et plus rapide que le tramway de la Porte de Vincennes dont le terminus était à Gournay près du pont du Chétivet, devant le café-hôtel-restaurant Maison Gravatte » À la pointe de Gournay » à l ’emplacements actuel de Lapeyre.
Grâce au train, le concours-festival de musique attira huit cents participants en 1906 !
Après le décès de Roger Ballu en mai 1908, Ernest (Paul) Pécheux prit le relais.
Annoncer une attraction d’illuminations dans le journal La Lanterne ça allait de soi. Sûr que la fée électrique y était pour quelque chose. L’électrification progresse lentement sur la rive gauche.
Et puis Gournay c’était aussi la pêche avec une certaine rivalité avec Chelles :
La fête à Gournay était tout sauf religieuse, il y avait maintenant des attractions organisées par la municipalité de Gournay et par des associations comme des concerts de fanfares, des concours de chorales, un mât de cocagne, des courses de cycles, etc …et les manèges, les animaux et les roulottes des forains. Les bals de jour organisés par la ville pour les enfants et les adultes de Gournay et les bals de nuits organisés par les bars et restaurants pour les parisiens et bien sûr la fête foraine installée sur le terrain mis à disposition par la commune, sur la Grande Rue (future avenue Joffre) à l’emplacement actuel de la contre-allée qui servait aussi de marché communal ainsi qu’au Rond-Point du Prieuré et sur le patis en amont du pont.
Le péage sur le Pont de Gournay étant enfin supprimé le 30 avril 1911, les visiteurs découvrent plus facilement les établissements de la rive gauche.
Les villes rivalisaient, de plus en plus nombreuses à organiser des fêtes pour les parisiens, le 14 juillet et les dimanches suivants virent apparaître des feux d’artifices tirés de Chelles sur la Marne. Les places valaient cher sur le pont et sur les Patis
La Patrie du 19 juillet 1914 retronews.fr[3]
La guerre qui est déclarée le 28 juillet 1914 mit sur pause toutes les fêtes.
Après la guerre de 14-18, c’était les « années folles » et la fête n’avait plus besoin du prétexte, de la Saint-Jean le 24 juin, de la Fête Nationale le 14 juillet, du saint patron Arnoult le 18 juillet. C’était une fête ininterrompue comme dans une station estivale.
C’était la « grande fête de l’été » et la période des festivités semblait sans limites pour le comité des fêtes de Gournay qui se professionnalisait, dirigé par M. Bouvier, pourvu seulement qu’il fasse beau et que les parisiens viennent en nombre.
Fête de la musique : Les organisateurs se fendent d’une petite prime de quoi payer la chopine et le tram ou le train pour faire venir de Paris les musiciens dont les compétitions étaient en fait l’attraction de la journée (avec la gastronomie et les bals)
Fêtes de la beauté féminine
Avec M. Bouvier, l’organisation des fêtes était confiée à un professionnel qui débordait d’imagination.
Sans oublier le grand concours de musique du Dr André Ballu avec 350 chanteurs et 600 exécutants
Avec le Dr André Ballu devenu maire en 1925, la fête pouvait être à la fois philanthropique comme une kermesse, sportive avec de multiples compétitions, ludique avec les attractions foraines et les jeux et culturelle avec la musique et le spectacle de rue.
Apparition du Music-Hall en 1928
Ce furent des concours de fanfares, de Mariannes (nom chaste et commode pour les concours de miss, les rosières s’étant fanées avant l’été), des tournois sportifs ou des compétitions de pêche à la ligne organisée par la société de pêche de Gournay-sur-Marne, l’Asticot qui n’a pas de mal à rivaliser avec la Goujonnette de Chelles. En fait un esprit de compétition ludique s’emparait de tous.
La rivière devenait le théâtre d’une certaine compétition festive entre les partis politiques, les syndicats et leurs associations sportives ou culturelles. La culture physique d’organisation comme les « torses nus » et les bains dénudés ou naturistes sur la rive droite des camarades communistes venus de Gagny, rivalisèrent quelques temps avec les fêtes nautiques et tarifiées de la Plage où les socialistes de la SFIO innovaient en marketing politique comme l’annonçait le journal de Léon Blum le Populaire du 20 août 1934.
Après la disparition tragique du maire le Dr André Ballu en 1931 pendant ses vacances en Bretagne, Gournay ne faisait plus exception dans ses fêtes au tournant politique pris par toute la société.