Une mystérieuse pièce d’eau à découvrir au domaine de la Roche du Parc à Noisy-Le-Grand . Par Ève Golomer
Une mystérieuse pièce d’eau à découvrir au domaine de la Roche du Parc à Noisy-Le-Grand
par Ève Golomer
Durant environ 3 siècles, une pièce d’eau à Noisy-le-Grand, accompagnée d’un système hydraulique alimenté par les sources de ce paysage en terrasses étagées sur les coteaux de la Marne, a prouvé son existence grâce aux documents d’archives iconographiques et aux textes. Est-il possible qu’elle ait disparu sans laisser de traces ? Pas à pas, à travers l’espace et l’histoire, partons à sa recherche !
Une mystérieuse naissance
Villeflix, fief très ancien de Noisy-le-Grand (déjà fief indépendant en 1105, notice Mérimée PA93000013), donne naissance à un nouveau domaine en se séparant d’une partie de ses terres qui sont alors nommées : fief de la Roche du Parc.
Sur les actes notariés de 1632, il est spécifié que le domaine de Villeflix a été démembré pour constituer d’autres fiefs dont celui de la Roche du Parc pour Simon Collon, conseiller du Roi Louis XIII (AD 78 26 J/2 et 04 04 P.3). Ce bien demeure dans cette famille jusqu’en 1710.
La date de conception d’une de ses plus grandes pièces d’eau est incertaine car les actes décrivant, précisément, les jardins du domaine sont rares et les cartes topographiques n’apparaissent qu’à la fin de la Renaissance. Ce n’est qu’au début du XVIIe siècle, donc en 1632, que la pièce d’eau fait parler d’elle, la description du parc existant est ainsi précisée dans les textes de l’acte notarié :
«…Cour jardin et clos et dedans un grand canal revêtu de pierres de taille et au bout un pavillon ou il y a une chambre couverte d’ardoise, 3 fontaines et bassins le tout en un enclos fermé de murailles tout autour contenant en fond de terre 18 ou 20 arpents ».
Sur ce domaine nouvellement dénommé : la Roche du Parc, il faut attendre 1731 pour décrypter la première carte topographique de l’abbé de Delagrive et découvrir ses jardins d’agrément. Les trois plus grands bassins circulaires du domaine étaient entourés de plusieurs éléments architecturaux de jardin en terrasse à la française, probablement conçus auparavant car déjà décrits dans les textes de 1632.
Fontaines et bassins : des écrits d’archives aux cartes topographiques
A l’époque où l’abbé Jean Delagrive a gravé, en 1731, les « murailles », citées en 1632 dans les actes notariés du fief de la Roche du Parc, ce domaine était déjà bien individualisé par ces murs de clôtures. Le trait horizontal (mur de soutènement), tiré d’est en ouest, d’une muraille à l’autre, divise le terrain en deux parties correspondant à des terrasses. Il y a une terrasse supérieure et une terrasse inférieure en référence à la configuration topographique historique étudiée à cet endroit (Golomer, 2016) et d’après les courbes de niveau notées sur les cartes à partir de 1879.
En plus des bassins (pour les fontaines aux eaux animées, on ne peut les distinguer sur ce travail en deux dimensions), l’abbé Delagrive a aussi fait figurer, par des traits hachurés, les différents éléments aquatiques.
Les textes de 1632 reproduits citent : « 3 fontaines et bassins » qui pourraient être les trois bassins circulaires des cartes : deux sont dans la partie la plus proche des bords de Marne (terrasse inférieure). Ces bassins sont à l’intersection d’allées rectilignes permettant de circuler entre les parterres à la française.
Il est heureux de constater qu’une de ces deux pièces d’eau de la terrasse inférieure est parvenue jusqu’à nous : le Miroir d’eau.
Photographie au 27 octobre 2015 du Miroir d’eau, œuvre du début du XVIIe siècle, et mesurant environ 15 mètres de diamètre d’après le cadastre 1819 (© collection Eve Golomer).
La pièce d’eau « le Miroir d’eau » figure sur la terrasse inférieure des jardins du domaine de la Roche du Parc, gravés par l’abbé Jean Delagrive en 1731.
De nos jours, elle est située en terrasse, au-dessus d’un bel escalier à double rampe, place du Repos à Noisy-le-Grand, du côté ouest de la promenade François Mitterrand qui descend à l’angle de la rue de la Terrasse vers la Marne.
Cette pièce d’eau est alimentée par un rû provenant d’une source située plus à l’ouest (mention sur le plan des fontainiers du service des espaces verts municipaux de Noisy-le-Grand). Depuis, au moins, le début du XVIIe siècle, ce lieu agréable avec son bassin entouré d’arbres est très justement mis à profit pour le plaisir des promeneurs.
En 1632, « 3 fontaines et bassins » sont cités lors de l’achat du domaine de la Roche du Parc par Simon Collon, conseiller du roi Louis XIII et trésorier général des guerres. A cette époque, ce nouveau propriétaire connaissait probablement l’expertise des ingénieurs hydrauliciens de la famille des Francine, une dynastie de fontainiers italiens arrivés en France à la fin du XVIe siècle. Ils se succédèrent de père en fils depuis Henri IV, détenant de 1623 à 1784, la charge d’intendant des eaux et fontaines royales (Mousset, 1931).
Etant donné les fonctions occupées à la cour royale par le propriétaire du domaine en 1632, cette hypothèse de leur intervention à Noisy-le-Grand est tout à fait envisageable. Emmanuel Lurin (2017) cite : « En marge de son service à la cour, Tommaso Francini avait aussi travaillé « de bon gré » (lubens) pour de très nombreuses familles nobles (omnium item plane optimatum), un fait avéré mais encore très mal documenté, qui trouve une éclatante confirmation dans son épitaphe.
Il s’agit des « résidences suburbaines » (urbanae villae), soit des maisons nobles, entourées d’un jardin et parfois d’un petit domaine, qui permettaient aux élites urbaines de profiter facilement des plaisirs de la vie à la campagne, ce qui les rattachait à la tradition latine, puis italienne et désormais française des « villas ».
Un troisième bassin, le sujet de cet exposé, est de plus grand diamètre que les deux autres. Il apparaît sur la terrasse supérieure, à droite d’une allée d’arbres (son prolongement sur la terrasse inférieure est l’actuelle promenade François Mitterrand). Il est surtout entouré d’autres structures décoratives architecturales de jardin qui vont enrichir son histoire.
Ainsi, au centre de cette pièce d’eau, différente du Miroir d’eau (qui ne peut être une fontaine, du moins à ce jour, car sa fonction est de refléter le paysage), des jeux d’eau pourraient l’animer ou des vasques d’eau jaillissante lui donnant une configuration de fontaine, une de celles citées dans les textes.
L’hypothèse de l’existence d’un jeu d’eau est liée au fait que, de l’autre côté de l’allée bordée d’arbres, deux rectangles séparés de parterres et dessinés hachurés pourraient être non seulement des canaux paysagers mais aussi utilitaires. Ces canaux représenteraient des réservoirs, à ciel ouvert, un peu en hauteur, accumulant l’eau des sources provenant du terrain en pente, pour les bassins ayant des jeux d’eau.
Extrait au 1/17 300 pour le domaine de la Roche du Parc de la feuille 2 de la carte topographique des environs de Paris levée et gravée par M. l’abbé Delagrive, cartographe, en 1731, (© Gallica.bnf.fr).
Le bassin circulaire à droite est accompagné par deux lignes courbes : une au nord, ressemblant à une avancée de la terrasse supérieure sur le paysage des jardins situés en-dessous et une au sud, juste en arrière de la pièce d’eau en traits hachurés (bassin confirmé sur le cadastre de 1819) et plus complexe. Cette courbe, en forme de chapeau, est prolongée par deux éléments latéraux. Elle pourrait évoquer, en début du XVIIe siècle, un élément des jardins en terrasse de la Renaissance italienne avec des écrans de verdure (notes sur Francesco Colonna).
Cet élément architectural de jardin ferait partie, soit d’une fresque minérale, soit d’un buisson végétal bien découpé comme une topiaire. Cependant, les deux pourraient même être associés, sur un rebord d’une petite terrasse. En effet, cet endroit ayant une légère pente, un muret en pierres pourrait ainsi soutenir le buisson, lui donnant cette forme géométrique remarquable.
Une telle configuration est reproduite sur cette carte, juste au-dessous du bâtiment du château (coupe en quadrillage, en bas à droite de cet extrait en forme de L) peut-être, pour la même utilité de retenir les terres du terrain en pente.
Sur la carte Delagrive de 1731, le décrochage de la terrasse supérieure est arrondi, serait-ce un simple belvédère ?
Cependant, la suite du texte de 1632, précise : « un grand canal … et au bout un pavillon avec un toit d’ardoises ». Le « bout » pourrait être l’extrémité nord de la terrasse supérieure, du côté est, à l’endroit où se trouve le bassin et sa petite terrasse cernée en arrondi au sud et au nord.
Le tracé de l’avancée de cette terrasse pourrait, peut-être, représenter la toiture d’un élément minéral architectural, sous la terrasse, nommé « pavillon » dont l’architecture se serait transformée autour de 1764 avec une restauration (si la date du pavillon initial est inférieure à 1632) et/ou un changement de propriétaire.
En résumé, à ce stade des interprétations, le bassin est situé dans un espace tracé, au sud de la petite terrasse, mais sur une largeur aux dimensions variables selon les cartographes : il est tantôt proche du nord donc du mur de soutènement de la terrasse sur la carte des Chasses, tantôt proche du sud avec celle de Delagrive et du cadastre de 1819 avec son deuxième arc de cercle qui l’en éloigne encore, mais précise avec minutie le contexte minéral. Cette description est à noter car au début du XXe siècle, la rue de la Terrasse sera tracée au sein même de cette zone architecturale particulière, en tenant compte de ce deuxième élément.
Un grand canal paysager qui se dédouble
Exemple d’un canal paysager dans le parc du château de Bois-Préau à Rueil-Malmaison (annexé au domaine de la Malmaison au 29 juin 1810), dessiné par le paysagiste Louis-Martin Berthault à la demande de Joséphine de Beauharnais, amatrice d’art des jardins (© photo Marc Binazzi au 17/12/2017). Il se prolonge, à gauche, par une rivière à l’anglaise et est moins long, que celui de la Roche du Parc.
Marie-Josephe-Rose de Tacher de la Pagerie avait épousé le vicomte de Beauharnais à Noisy-le-Grand en 1779 et devint Joséphine de Beauharnais. Elle habita jusqu’en 1784 la demeure familiale de Noisy-le-Grand (actuelle école Françoise Cabrini). Ensuite, elle fut impératrice et première épouse du général Napoléon Bonaparte de 1796 à 1809.
Ci-contre, un extrait du cadastre napoléonien de 1819 (section A du Village, 1ère feuille © AD 93, cote 2047 w319) reproduit, en les confirmant donc, ces extensions latérales avec encore plus de détails. De plus, grâce à l’échelle du géomètre figurant sur le cadastre, des mesures sont effectuées. La longueur du canal est de 120 mètres. Du nord au sud : la longueur du parapet minéral est de 40 m, du petit élément, de 30 m et, 10 mètres après, le diamètre du bassin de notre exposé est mesuré à 20 mètres.
Le « grand canal » dont il est fait mention dans le texte de 1632, pourrait avoir été dessiné, à gauche (ouest) du bassin, pièce d’eau circulaire apparaissant ci-dessus sur le cadastre de 1819 et pour la dernière fois en iconographie (en 1851, uniquement Miroir d’Eau et canal). Ensuite, contrairement à lui, le canal pourrait avoir traversé l’occupation prussienne de 1870 où les batteries étaient installées dans le parc (Dittgen, 2020). Les structures du bassin étaient, peut-être, proéminentes avec une importante fontaine au centre pouvant gêner les tirs, dès cette guerre, et le bassin aurait été alors recouvert. Sinon, peut-être, plus tard, pendant la première guerre mondiale car il est absent sur la carte suivante de 1939.
Y-a-t-il une inexactitude entre texte et cartes sur le nombre de canaux ? En effet, il y avait deux canaux gravés sur la carte des Chasses et celle de Delagrive tandis qu’un seul canal était spécifié avant 1632 et après 1819. Les cartographes du XVIIIe siècle ont-ils ainsi exprimé un souci d’esthétique et de symétrie, comme il est vu sur certaines cartes anciennes qui présentent des jardins à la française ?
Ou alors les comportements pratiques des jardiniers en 1632 et 1819 se rapprocheraient-ils car deux canaux sont plus difficiles à entretenir qu’un seul. Cet argument pourrait être proposé car ces deux périodes sont en dehors de l’âge d’or des jardins à la française, le début du XIXe siècle faisant suite à la Révolution. C’est l’époque (1812-1827) où le baron d’Annelet et général d’empire André Burthe y avait séjourné avant son décès en 1830. En 1827, les Burthe vendent leur propriété de Noisy-le-Grand aux Buisson, Jean-Isidore Buisson et son épouse, puis ses descendants y habitent jusqu’en 1863 (Dittgen, 2020).
Ces canaux paysagers ont dû être considérés comme utiles car ils recueillent les eaux d’une des plus grandes sources de l’ancien domaine de Villeflix, la source Chilpéric (Archives Municipales Noisy-le-Grand, cote 051_27w7) située en haut et à l’ouest du domaine de la Roche du Parc.
Pour expliquer les pointillés, l’hypothèse de traces liées à un bassin de taille notable (cadastre 1819), d’ailleurs, en plus, éloigné de 10 m du mur de soutènement, serait incompatible en cet endroit pour ménager l’étanchéité du toit d’un pavillon. Cette carte topographique de 1879 est la dernière répertoriée où le canal paysager serait visible en couleur bleue, donc seul en fonctionnement depuis au moins 1851.
Le système hydraulique des galeries souterraines
Les archéologues ont exploré les sous-sols du centre-ville de Noisy-le-Grand à la recherche de canalisations (Héron,1995) : il subsiste un réseau de galeries souterraines creusées au pic dans le sol marno-calcaire à une profondeur moyenne de 8 mètres. La hauteur est mesurée en moyenne à 2,25 m et la largeur à 1,25 m. Le captage des eaux pour la partie la Roche du Parc de l’ancien domaine de Villeflix se fait à partir de la source Chilpéric. Une date de construction, inférieure au XIXe siècle, est difficile à fixer. Par endroit des rigoles de 15 à 20 cm et 30 cm de large auraient été maçonnées en pierres liées à la marne.
Le canal paysager décrit en 1632, « grand canal revêtu de pierres de taille » pourrait avoir été relié aux galeries souterraines qui subsistent encore à Noisy-le-Grand. En effet, les pierres de taille seraient le signe du prolongement de galeries bien façonnées en pierres. Peu de propriétés, même de notables, peuvent repérer une construction de jardin en pierres de tailles !
Galerie hydraulique nommée sente de la voûte à Villeflix et située sous les numéros 26-32 rue du Dr Jean Vaquier à Noisy-le-Grand (© Atlas du patrimoine cote 051s017 et photo © Edouard Jacquot, département de la Seine-Saint-Denis). Ce lieu est un peu à l’ouest et à 150 m de l’entrée de l’ancien domaine de la Roche du Parc.
Evolution du contexte cartographique et historique de la pièce d’eau Au début du XXe siècle, les cartes anciennes topographiques témoignent de la disparition à la fois du grand canal paysager et du bassin de 20 mètres de diamètre, qui existaient depuis, au moins, 1632. Cependant certaines des structures minérales qui l’accompagnaient, peut-être depuis la Renaissance italienne, sont arrivées jusqu’au XXIe siècle. Après avoir fait détruire, en 1863, des bâtiments de ferme, bien plus anciens que le domaine, la famille Buisson-Périac reconstruit le château précédent en une propriété dite château « Périac » (1864-1865). Elle en reste propriétaire privé jusqu’à la vente du domaine en faveur de la mairie en 1925, par la veuve de Maurice Périac (Robinet, Corteville, 2015). Maire de Noisy-le-Grand de 1925 à 1932, Léon Bernard est le maire qui fit l’acquisition du château Périac et de son parc pour le transformer en hôtel de ville. |
Sur cette vue aérienne (1/3385 © Géoportail93.fr) datée de 1949 et prise en noir et blanc, après la deuxième guerre mondiale, les contours de l’élément architectural figurant sur le cadastre napoléonien, finement dessinés en 1819, avec l’avancée en arc de cercle et prolongements latéraux, sont présents et bien visibles, surtout sa partie à gauche de l’avancée de la terrasse supérieure. A droite (à l’est), il y aurait le début de la rue (actuelle Léon Bernard) qui pourrait avoir supprimé une partie latérale de cette petite terrasse, dessinée plus symétrique sur le cadastre napoléonien.
Par rapport à la carte précédente mais comme sur celles de 1851 à 1879, une encoche circulaire empiète sur le grand terrain gazonné et aussi en face obligeant la rue de la Terrasse à contourner le petit prolongement de la terrasse supérieure.
Ce décrochage de la rue est absent sur les cartes et les vues aériennes des années suivantes où elle se poursuit rectiligne, mais l’encoche arrondie persiste au sud au niveau de la surface gazonnée. Il est possible de mesurer la droite qui soutient l’arc de cercle sud : il est la moitié de l’ensemble situé en face, soit environ 20 mètres.
Le point sud de cette encoche, d’après les mesures référencées sur le cadastre de 1819 et ses 2 arcs de cercle bien dessinés, correspondrait au point nord du cercle du bassin. Donc le bassin serait recouvert uniquement par la terre de la zone gazonnée. Les dessins en arc de cercle du cadastre seraient des structures minérales.
Le domaine de la Roche du Parc, devenu propriété Périac jusqu’en 1926, est désormais urbanisé et loti dans sa partie plus au nord et au sud, il semble avoir perdu les éléments de son jardin.
Vue aérienne d’un extrait, à l’échelle 1/1693, du Parc de la Mairie à Noisy-le-Grand agrandi pour mettre en évidence les jardins et daté en 1999 (© Géoportail93.fr).
Le cliché ci-dessus est le premier réalisé en couleur pour la période après-guerre donc il est visuellement moins précis que sur les vues actuelles. Cependant, le fait qu’il soit sombre crée un contraste mettant en évidence des vestiges historiques : d’une part, des zones très claires (point et ligne) qui contrastent en arrière d’une zone boisée, bordant un grand gazon, et d’autre part, en face, le trottoir semble s’incurver à l’intérieur de cette partie végétale, vestige d’une structure décorative et/ou d’une voie de circulation dont l’origine est encore incertaine. Ces mêmes éléments clairs, probablement minéraux, sont retrouvés en 2002 et en 2018 sur ce type de cartes aériennes.
Côté art des jardins évoluant avec la mode, le Parc de la Mairie, 50 ans après la guerre, présente des jardins de style à l’anglaise avec un grand parterre central traversé par une allée sinueuse et des parterres latéraux en carrés bien dessinés. Cependant, des arbustes y apparaissent, sans être placés régulièrement comme dans les anciens parterres à la française.
Vue aérienne prise en 2002 (échelle 1/1693, © Géoportail 93.fr) et qui présente 3 parties dans le prolongement axial du Parc de la Mairie à Noisy-le-Grand et séparées par deux rues parallèles. En bas de cet extrait, la mairie avec son jardin à l’anglaise descendant vers l’avenue Paul Pambrun. Une vaste zone de gazon entourée d’arbres lui succède, puis la rue de la Terrasse et au-dessus, plus au nord, une structure complexe.
L’intérêt de ce cliché est double sur le plan patrimonial : il met en évidence des vestiges ayant appartenu au parc du domaine de la Roche du Parc, une toiture terrasse au nord de la rue de la Terrasse et d’autre part, des pierres à son sud.
En effet, juste en haut de cet extrait, au-dessus et au milieu du liseré blanc de la clôture de la propriété de l’époque, une zone de couleur verte apparaît comme un prolongement du gazon du Parc de la Mairie à Noisy-le-Grand dont elle est séparée par la rue de la Terrasse et une haie d’arbres.
Il s’agit probablement de la toiture gazonnée de l’élément architectural dit « pavillon » englobé dans l’ensemble de la propriété privée, le long de la rue. Cette zone est encadrée par une ombre projetée sur le jardin en-dessous, ombre d’un parapet, qui témoigne qu’elle est bien en relief car c’est un prolongement nord de la terrasse supérieure. La rue actuelle passe sur la partie sud de ce prolongement qui recouvre probablement la structure architecturale décorative du rond-point de 1879.
D’autre part, sous la rangée d’arbres bordant au nord la zone gazonnée, deux groupes de pierres, distingués car en relief avec une ombre, au même endroit que l’arc de cercle de couleur blanche sur la carte de 2018, ci-dessous. Ces éléments, bien visibles depuis la vue aérienne de 1999, évoquent des pierres de construction, vestiges d’un monument. Ces éléments minéraux seraient-ils ceux d’une fontaine jaillissante au centre du bassin mystérieux simplement recouvert de terre herbeuse ?
Carte en vue aérienne IGN 2018 (échelle 1/1779 © Géoportail93.fr), la toiture n’est plus gazonnée, peut-être cimentée, il semble manquer une partie sur la droite, côté rue Léon Bernard, et les éléments en pierre sont toujours présents sous forme d’une virgule claire. Le Parc de la Mairie a été réaménagé en 2009 et se nomme Jardin Jean Machet jusqu’à l’avenue Paul Pambrun.
Les traces de deux bassins en transition dans l’histoire
Une flaque d’eau sous un ciel pluvieux, le 29 janvier 2019 à Saint-Germain-en-Laye, reflète le Château-Vieux, devenu Musée Archéologique National. Ce cliché est un clin d’œil nostalgique au grand bassin du parc historique du XVIIe siècle qui se devine, sous les graviers du cercle entourant cette flaque.
Ce bassin imaginé par André Le Nôtre entre 1669 et 1674 a connu les ingénieurs hydrauliciens de la famille franco-italienne Francine. Ces fontainiers experts, premiers arrivés en France (1588) avec Tommaso Francini, avaient, entre autres, réalisés les grottes aux automates hydrauliques pour le Château-Neuf qui avaient charmés l’Europe (Lurin, 2013). Simon Collon de la Roche du Parc aurait pu y rencontrer Louis XIII, étant son conseiller. Ces grottes féériques, fermées de nos jours, sont situées sur les terrasses du coteau vers l’est (à gauche de cette photo).
Deux ans après cette photo « reflets historiques », grâce aux travaux du Tram 13, ce bassin va renaître dans le parc du Château de Saint-Germain. En effet, les canalisations souterraines qui alimentaient les bassins historiques seront réinstallées.
Son diamètre est de 50 mètres, il est ainsi le plus grand bassin circulaire d’Ile-de-France. Plus connu, le bassin de Latone à Versailles, conçu en 1666, initialement aussi par la dynastie des fontainiers Francine, est ovale et mesure 45 m sur 30 m.
Cliché du reflet du château Vieux de St Germain-en-Laye à l’emplacement du grand bassin, le 29 janvier 2019 (collection © Marc Binazzi). Derrière le parterre, limite du cliché à droite, un autre bassin, plus petit mais en eau, est de la même dimension que celui de la Roche du Parc.
Les circuits souterrains assemblés en réseaux techniquement complexes à Noisy-le-Grand, de l’autre côté du RER A, renforcent l’hypothèse que les célèbres fontainiers Francine seraient intervenus pour participer à la création et à l’entretien du système hydraulique complexe du domaine de Villeflix et de La Roche du Parc.
L’emplacement de ces traces est celui des vestiges de pierres figurant sur les vues aériennes de 2002 à 2018. Cette trace actuelle de dimensions notables pourrait être celle d’une structure minérale ayant peut-être existé, au sein du bassin car non dessinée à son extérieur sur les cartes précédentes. Ce pourrait être une fontaine centrale à vasques étagées et sculptures décoratives, ce qui expliquerait qu’elle ait été longtemps conservée après le comblement du bassin.
Cette hypothèse est renforcée par la mesure géométrique, sur le cadastre 1819, d’un espace de 10 m entre le bord nord de ce grand bassin et le mur de la propriété (ancien pavillon) de l’autre côté du trottoir nord de la rue de la Terrasse. En reportant ces dimensions tout autour de cet extrait aérien, les limites du bassin seraient à droite, au bord de la terre du chantier et en bas, au-dessus du mot Google.
Exemple d’un paysage en terrasses
et de jardin historique ayant le même style architectural
Le parc du château d’Auvers-sur-Oise a été créé en 1635, dans le style des jardins en terrasse renaissance italienne, par le banquier Lioni Zanobi de la suite de Marie de Médicis, sur les coteaux de la vallée de l’Oise (Régnier, 1922).
Les similitudes avec la Roche du Parc sont géographiques, architecturales et historiques mais aussi liées au contexte financier car le propriétaire suivant en 1662, Jean de Leyrit (Léry) est conseiller du roi Louis XIV, comme l’était Simon Collon pour Louis XIII. Le domaine est alors érigé en fief avec jardins à la française. Ce domaine, ayant traversé les siècles en conservant ses styles minéraux et végétaux ainsi que son modelé topographique, pourrait évoquer le fief de la Roche du Parc qui était aussi établi sur les coteaux d’une autre vallée, plus à l’est, celle de la Marne.
Ce cliché du 28 avril 2013 (collection © Marc Binazzi), a été pris, depuis la terrasse supérieure du château, en vue plongeante sur une succession de terrasses : celle des parterres de buis, puis une plus petite, sur la gauche, où on aperçoit une fontaine à vasques et une avancée avec une balustrade. Cette avancée passe au-dessus de la rue de Léry et, au fond vers le sud, se termine au niveau de la balustrade qui borde le toit de l’orangerie (affiche rouges apposées de chaque côté pour une exposition).
Un aspect architectural, à remarquer, est le parapet en pierres disposées en arc de cercle (10 m de diamètre), suivi de prolongements latéraux. Si le diamètre du tracé arrondi de ce mur de soutènement est inférieur environ du tiers de celui du fief de la Roche du Parc, la forme est similaire. De plus, sur la carte des Chasses, il y aurait une ouverture au centre laissant passer aussi un escalier témoignant de la différence de hauteur des différentes terrasses. En imaginant un contexte géographique avec une superficie plus ample, le lecteur peut alors se retrouver, juste à l’endroit du mystérieux bassin, à la place de la fontaine à vasques et peut-être même avec elle, inclus dans le site en dénivelé de la Roche du Parc.
Deux bassins, de même diamètre et existant depuis la dynastie
des fontainiers Francine
Ce bassin (9 mai 2021 collection © Marc Binazzi), proche de l’entrée du parc du domaine du Château de St Germain-en-Laye, fut connu, au XVIIe siècle, de la dynastie des fontainiers Francine. Il est une des pièces d’un trio visible sur le dessin autographe d’André Le Nôtre avec le grand bassin (Golomer, 2021). Son diamètre de 20 m permet d’imaginer la taille et, en partie, car absence d’élément minéral central autour du jet d’eau, la présentation de celui de la Roche du Parc.
Ce cliché réalisé lors des « Grandes Eaux de Versailles » le 26 juin 2010 (collection © Marie-Claire Golomer), montre un autre bassin de 20 m de diamètre, centré, cette fois-ci, par un élément sculpté en fontaine : la Pyramide.
Si le diamètre de cette sculpture sert de référence, il ne représente que la moitié de ce que pourrait être l’élément central, plus minéral, de la pièce d’eau de La Roche du Parc. Au sein du jardin Petit Parc du château de Versailles, ce bassin est situé au Parterre Nord, en haut de l’Allée d’Eau, il fut mis en eau grâce aux réservoirs construits par les fontainiers Francine. Il présente des vasques sculptées et étagées avec des jeux d’eau qui pourraient évoquer, car étant aussi liée à des réservoirs, la fontaine du bassin de la Roche du Parc.
Conclusion
Depuis les termes « fontaines et bassins », figurant sur l’écrit notarié de 1632, à la forme circulaire observée sur les cartes de 1731 à 1879, l’histoire de cette pièce d’eau semble s’interrompre en 1939.
Cependant des traces spécifiques à l’intérieur de l’ancien domaine de la Roche du Parc, et encore visibles, ainsi que le contexte historique notable : des propriétaires proches de l’entourage royal avec intervention d’experts en hydraulique et en terrassement paysager, imposent une réflexion particulière.
En effet, à cet endroit précis, la municipalité de Noisy-le-Grand est à la recherche de projets pour un aménagement contemporain de l’espace public, vacant depuis le début du XIXe siècle.
Auparavant, les vestiges du bassin et de sa fontaine, témoins, en région Ile-de-France, du domaine de la Roche du Parc et repérables aussi bien au sol et qu’en vues aériennes, mériteraient d’être explorées scientifiquement en archéologie préventive.
A la suite de cette recherche archéologique, si ces éléments patrimoniaux remarquables sont aménagés en respect de l’histoire, tout en s’ouvrant au grand public dans une démarche touristique, ils pourraient valoriser le site.
Leur rôle serait de compléter, du côté est de l’ancien domaine, en lui donnant du sens, le Miroir d’eau, seule pièce d’eau actuelle marquant la mémoire de ce site historique paysager à Noisy-le-Grand.
Remerciements
Au responsable et à l’équipe de la bibliothèque du Centre de documentation Jacques Guillard (Société Historique de Noisy-le-Grand, Gournay-sur-Marne, Champs-sur-Marne et Archéologique de Marne-La-Vallée).
À Roland Cardot, responsable de rédaction des publications éditées par la Société Historique de Noisy, Gournay, Champs, pour sa relecture du manuscrit.
Aux relecteurs anonymes qui ont ainsi soutenu la démarche patrimoniale de l’autrice.
Références
Francesco Colonna, Songe de Poliphile : xve – xixe siècle : 1433-1811, traduction de l’italien par Gilles Pollizi, Imprimerie Nationale, 507 pages en deux volumes, 2004.
Alfred Dittgen, le Général André Burthe et la Roche du Parc, Des généraux de la Révolution et de l’Empire dans les grands domaines de Noisy-le-Grand, Bulletin de la NGLG, n° 15, mars 2020, pp. 29-39.
Eve Golomer, André Le Nôtre et les jardins de la terrasse haute du Château-Neuf avant 1679, page d’archive N°35, publiée le 7 avril 2021 par la Société d’Art et d’Histoire : Les Amis du Vieux Saint Germain.
Eve Golomer, Le parc et les jardins en terrasse de Villeflix : dialogue entre cartes et textes – Bulletin n°1 réservé à cette thématique, Société Historique NGC et Archéologique de Marne-la-Vallée, publication au 4ème trimestre 2015, 52 pages.
Claude Héron, Sente de la voûte, rue du Docteur Jean Vaquier à Noisy-le-Grand, carte archéologique de la Seine-Saint-Denis, Service du patrimoine culturel de la Seine-Saint-Denis, 1995.
Emmanuel Lurin, Tommaso Francini, ingénieur et fontainier du roi, sa fortune à la cour de Louis XIII et ses principales réalisations en France. In : Bulletin Monumental, tome 175, n°4, 2017. Hydraulique et fontaines ornementales en France. Autour de Tommaso Francini (1572-1651) pp. 307-316.
Emmanuel Lurin, « Deux voyageurs allemands dans les grottes de Saint-Germain-en-Laye : Justus Zinzerling (1616) et Abraham Gölnitz (1631) », Jardins, 4, 2013, p. 41-49.
Adrien Mentienne, Le fief de la Roche du Parc, Histoire de Noisy-le-Grand, Edition Honoré Champion, Paris, 1919, p.121-122, au Centre de Documentation Jacques Guillard, Société Historique Noisy, Gournay, Champs et Archéologique de Marne-la-Vallée.
Albert Mousset, Les Francine, créateurs des eaux de Versailles, intendants des eaux et fontaines de France de 1623 à 1784, Paris, Auguste Picard, 1931, In-8°, XIII-213 pages, XVII planches.
Louis Régnier, Auvers-sur-Oise. Excursions Archéologiques dans le Vexin Français, édition Librairie Ernest Dumont, Paris,1922, 1 vol. (VI-248 p), BNF.
Amandine Robinet, sous la direction de Julie Corteville, État des lieux patrimonial, Diagnostic patrimonial de Marne-la-Vallée, Synthèse communale Noisy-le-Grand, Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Seine-et-Marne, Service Patrimoines et Inventaire de la Région Ile-de-France, septembre 2015, p. 61-66 et 81-82.
Mise à jour le 15 avril 2024 de la publication originelle au sein de la SHNGC – Les Chroniques Historiques n°3 du 25 mai 2021
1779 – Mariage d’Alexandre de Beauharnais et de Joséphine de Beauharnais – Société Historique de Noisy-le-grand, Gournay-sur-Marne, Champs-sur-Marne
19 avril 2024 @ 15h29
[…] Une mystérieuse pièce d’eau à découvrir au domaine de la Roche du Parc à Noisy-Le-Grand .… […]