Les libérations de Gournay les 27 et 28 août 1944
Les Libérations de Gournay les 27 et 28 août 1944
à gauche : the IVY badge, l’ écusson du « lierre » IVY de la 4ème Division d’Infanterie US
au centre : le brassard des Forces Françaises de l’Intérieur
à droite : the US ARMY Star, l’étoile américaine peinte au pochoir sur les véhicules
IV (prononcer aï vi) est la prononciation à l’américaine du nombre romain IV et Ivy se dit en français Lierre (la plante).
Selon les indications de la tourelle voici un Sherman du 22ème régiment de la IV
sur la RN34 le 27 août 1944 (source : Musée de la Résistance en ligne)
1° les opérations militaires
A Gournay, tout le monde ou presque sait que IVY est le sobriquet de la IVème division d’infanterie[1] parce que ce sont les premiers militaires alliés entrés dans la commune.
Petit rappel : Paris fut libérée par l’insurrection des FFI à partir du 19 août, et par l’entrée des alliées représentés par la 2e DB du Gal Leclerc, appuyée par les IVYs du Gal Barton. La capitulation des allemands de Paris est signée le 25 août devant la Gare Montparnasse par le Gal von Choltitz, et reçue par le Gal Leclerc en présence du Gal Barton. Une ampliation est contresignée par le Col FFI Rol Tanguy. Les IVYs eurent le temps de libérer les gares d’Austerlitz, de Lyon, de Vincennes le 25 et le fort de Vincennes le 26, en prenant ensuite cap à l’est par la N34 dite route de Lagny.
Le plan des opérations :
La IVe division d’infanterie du Gal Barton arrivant de Vincennes devait rejoindre les chars de la 3ème division blindée[2], à Chelles. Ensuite la IVe devait prendre la direction de Gagny, de Montfermeil puis du Raincy et continuer vers le nord-est de la région parisienne avant de prendre la direction de la Belgique. Les autres unités de la 1ère armée du Gal Hodges continueraient vers Lagny, Meaux, l’est de la Seine et Marne, l’Aisne, avant de prendre la direction de la Meuse (rivière)
L’exécution des opérations :
Partis du Bois de Vincennes le 26, les IVYs libérèrent Nogent-sur-Marne. Les éléments motorisés et blindés du 22ème RI arrivèrent à la gare des bus de Neuilly-Plaisance le 26 alors que les FFI venaient d’en découdre sévèrement la veille avec des allemands embusqués dans les usines Thomson de la Maltournée. Les allemands décrochèrent et passèrent la Marne à Neuilly pour rejoindre le fort de Villiers dont ils firent sauter les installations le 26[3] puis partirent en direction du pont de Gournay-sur-Marne. La traversée des coteaux de Noisy et de Gournay par les allemands fut rapide. Tôt le matin du 27 juin 1944, les allemands franchirent pour la dernière fois le pont-passerelle en bois de Gournay construit par les Ponts et Chaussées en 1941[4]. Ils furent alors canardés par les FFI de Gournay depuis les murets du parc de la mairie. Ce furent les dernières balles tirées à Gournay rive gauche, hormis des « tirs de joie », se réjouissant que, dans leur repli tactique de Gournay les allemands n’aient pas pris de civils en otage contrairement à ce qu’ils firent ignoblement à Neuilly-sur-Marne et Chelles.
Les Allemands firent sauter le pont-passerelle de bois[5] à 11h10 précises et passèrent le pont métallique sur le canal sans le miner, en se repliant sur une position près du fort de Chelles. C’est là qu’eut lieu quelques heures plus tard le choc avec les unités de la 3ème division blindée de la 1ère Armée qui venaient de libérer Vaires et nettoyaient encore la gare de triage.
Dans le même temps un détachement de jeeps et de blindés légers du 12ème régiment des IVYs sur la trace des allemands est passée de Neuilly-sur-Marne à Noisy-le-Grand passant rapidement dans Noisy déserté par les allemands, sans rencontrer de difficulté et a descendu les coteaux en direction de Gournay-sur-Marne rive-gauche dans le but de faire jonction sur l’autre rive sur la N34. Le détachement n’a pas rencontré de difficulté rive-gauche, guidée par les FFI passant par le Route de Gournay à Noisy qui devient Avenue Aristide Briand à l’entrée de Gournay.
La population de Gournay emmenée par le sous-lieutenant FFI Jean Grégoire accueillait en héros les premiers américains et les accompagnait vers le centre du village par la place des deux départements, la D104 ou route de champs, la place de l’église. Les IVYs constatèrent qu’il n’y avait plus d’ennemi retranché et que le pont n’était pas réparable avec les moyens de réparation dont ils disposaient.
Des IVYs de la 1e Cie du 12e régt. de la 4e div. d’inf. sur la promenade escortés par des gournaysiennes fraichement libérées (archives SHNGC-
Les marques 4-12-1 à l’arrière de la Jeep
pour 4ème division d’infanterie, 12ème régiment, 1ère compagnie.
Le lieutenant en charge du détachement suivit les recommandations des FFI présents de passer les véhicules les plus légers par la passerelle piétonne reliant Champs à Chelles qui n’avait pas sauté, plutôt que de rebrousser chemin. Les GI des IVYs passèrent par la promenade André Ballu (qui portait le nom de Promenade Philippe Pétain depuis 1942). Après avoir vérifié que la passerelle de Champs n’était pas minée, un premier groupe de GI traversait la Marne en reconnaissance et s’assurait de l’absence d’embuscade allemande.
Ils descendirent ensuite le quai Auguste Prévost et passèrent par le pont du Chétivet après avoir vérifié l’absence de sabotage de l’ouvrage métallique et rejoignirent à la pointe de Gournay la colonne des IVYs qui avait remonté la rive droite et comprenait des moyens plus lourds notamment les chars Sherman du 22eRI, bien renseignés par des FFI locaux.
Les FFI chellois s’étaient insurgés dès le 23 août, prenant la mairie de Chelles et avaient engagé le combat et fait des prisonniers mais la ville et la population subirent des représailles sauvages et de très nombreux otages furent pris, 13 furent massacrés dans le parc de la mairie, il y eut aussi de nombreux morts pour la France, tués à l’ennemi. Ils furent enterrés solennellement le 25 août. Le dimanche 27 tôt le matin les allemands défendaient encore l’avenue Foch et l’avenue Pétain (future Av. de la Résistance) pendant la retraite de leurs troupes retardataires. À 11H10 la détonation qui fit sauter la passerelle-pont de Gournay se fit sentir à Chelles. À 13h50 les premiers blindés lourd US de Hodges sur l’avenue Foch de Chelles étaient accueillis en libérateurs. Des allemands résistèrent autour de Chelles et au triage jusqu’au 29 août. Les américains perdirent entre Chelles et Chantereine trois chars et plusieurs GI’s.
Retour sur le parcours des IVs en France et pendant la libération de Paris
https://historyshots.com/cdn/shop/products/4th_Infantry_Route_Map_v7_950.jpg?v=1669821735
Le D-Day à l’aube, les IVYs du Gal Barton et du General Bradley avait débarqué, avec son 8ème RI en pointe, à Utah Beach. Les IVYs libérèrent Cherbourg le 23 juin et réduisirent la poche de Saint Lo, le 25 juillet. Ils atteignirent Chartres le 22 août et Paris-Austerlitz via la Porte d’Italie le 25 août. Avant de libérer Gournay le 27 août.
Revenons en arrière. Quatre jours après le débarquement, les forces allemandes avaient déclenché leur opération de retraite rapide vers l’Allemagne, mis à part quelques points où ils étaient pris en tenailles. Ils laissèrent néanmoins six régiments motorisés (dont des SS) sur des points d’appuis pour freiner les alliés. Vers le 10 août, il ne restait déjà plus que 16 à 20.000 allemands dans le Gross Paris (Paris et petite couronne).
L’ordre de soulèvement n’avait pas encore été donné par le Gal Pierre Koenig chef des FFI que l’insurrection des forces françaises de l’intérieur s’était propagée, commençant par des grèves de cheminots le 10 août, suivie d’engagements musclés contre l’ennemi, ici et là pour culminer le 19. Une trêve entre FFI et allemands du 20 au 23 août plus ou moins respectée devait permettre aux allemands et miliciens de quitter Paris et aux FFI d’organiser le logistique. Les forces françaises de l’intérieur contrôlaient la moitié de Paris à la fin de la trêve, à midi le 23 août,[6] mais elles étaient vulnérables et presque à court de munitions. Des demandes de renforts sont faites au Gal Gerow commandant le Vème corps d’Armée US. Le 22 août, à la demande du Gal de Gaulle, Einsenhower avait donné son feu vert et Gerow ordonna, le 23 août à la 2eDB de Leclerc et à la IVe DI de Barton de foncer respectivement par la Porte d’Orléans vers la Gare Montparnasse et par la Porte d’Italie vers la Gare d’Austerlitz. Les IVYs venait en support et devait renforcer le flanc droit de la 2eDB qui avait la priorité. Leclercq devait alors envoyer en reconnaissance le 25 août une première compagnie motorisée (la nueve). Celle-ci reçue un accueil populaire extraordinaire dans le 14ème. Les américains de la IVe DI qui entraient un peu plus tard dans la journée du 25 reçurent le même accueil enthousiaste dans le 13ème. Une branche des IVYs se dirigea vers la tour Eiffel et l’autre prit les gares d’Austerlitz, de Lyon et le fort de Vincennes.
A voir : une petite vidéo des GI de la 4ème Division d’infanterie à Paris le 25/08/1944
probablement porte d’Italie
https://museedelaresistanceenligne.org/media4549-La-4e-DIUS-dans-les-rues-de-Paris
Séquence tournée par un opérateur militaire américain, Marthey, le 25 août 1944
Source : © National Archives and Records Administration, Washington Libre de droits
Ce sont les mêmes qui libérèrent Gournay le 27 août 1944.
Le Gal von Choltitz n’avait pas donné l’ordre de faire sauter les ponts du Gross Paris qui avaient été déjà minés par les sapeurs allemands. Il désobéissait aux ordres de Hitler de détruire Paris et se rendit à un détachement de la 2eDB venu le chercher à l’hôtel Meurice. Le Gal Barton de la IVe DI était témoin à la séance de signature de la capitulation allemande devant la gare Montparnasse le 25 août après-midi au côté de Leclerc et Chaban. Ensuite, devant Leclerc une ampliation de l’acte de capitulation allemande fut contre-signée par le chef des FFI de Paris, le colonel Henri Rol Tanguy. L’acte fut remis au Gal de Gaulle arrivé en gare dans les heures qui suivirent.
Les IVYs reçurent l’ordre de laisser à d’autres régiments en tenue les festivités et le défilé sur les Champs Élysées le 29/08/1944 devant le Gal Eisenhower et le Gal de Gaulle.
À Gournay sur la promenade André Ballu ( promenade Ph. Pétain à l’époque) SHNGC
Les mêmes de la 4ème div. infanterie à Chelles le 27 août, la plaque arrière dit 4-12-?
Un char M4 Sherman du 3ème régiment blindé du 3ème corps de la 1ère armée à Chelles
Half-Track Personnel Carrier T3 Chelles, avenue du Maréchal Foch
2° La libération politique de Gournay-sur-Marne
Brassard FFI d’Abel Guillard, un des résistants gournaysiens du FN (PCF) archives SHNGC
Le comité local de libération s’est constitué dans la clandestinité en même temps qu’étaient créées le 1er juin 1944 les Forces Françaises de l’Intérieur. Il est composé des représentants locaux des groupes de résistants et des partis politiques.
Le lundi 28 août 1944 à 10h45 les trois organisations de résistances du comité local de libération de Gournay prennent le contrôle du Château Rouge (la mairie).
- Front National du PCF Abel Guillard, infirmier A.P. Ville Evrard
- Libération Nord Jean François Petrelli professeur
- Vengeance Roger Burgard, boulanger
Édouard le Pichon au micro le 28/08/1944 SHNGC
Le Préfet Léonard a mis fin à la délégation spéciale mise en place à la suite de la dissolution du conseil municipal le 16/10/1942 par le Maréchal Pétain
Le 28 août 1944 après-midi, le comité local de libération désigna en accord avec la préfecture, les premiers membres[7] du bureau de la délégation municipale provisoire qui devait gérer, sous contrôle du préfet, la commune jusqu’aux élections municipales d’avril 1945.
Edouard Le Pichon Président (ancien cheminot, communiste)
Roger Burgard *[8] 1er Adjoint (boulanger)
Albert Delepierre* (chauffagiste)
Lucien Falippou (agent technique)
Emile Guérin* (ingénieur municipal)
Abel Guillard* (infirmier AP Ville Evrard, communiste)
Maurice Lefebvre (magasinier)
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Le Vème corps de la 1ère Armée du Gal Hodges, était commandé par le Gal Gerow et comprenait la IVème Division d’Infanterie de Gal Barton et la 2ème Division Blindée de Gal Leclerc. Elle avait pour plan initial de contourner la capitale par le sud pour foncer vers l’Allemagne via la Belgique. La IVème division réunissait les 8e, 12e 22e régiments d’infanterie, le 29e régiment d’artillerie de campagne, le 8e et le 922e régiment du génie, 2 groupes blindés attachés au 12e et au 22e etc…pour plus de détails voir l’ordre de bataille https://history.army.mil/documents/eto-ob/4id-eto.htm ↑
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également de la 1ère Armée de Gal Hodges ↑
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https://museedelaresistanceenligne.org/expo.php?expo=84&theme=157&stheme=317&sstheme=874 ↑
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D’après le FTP-Front National et FFI de Gournay, Abel Guillard (père de l’historien de Gournay Jacques Guillard) qui l’assistait, c’est le FFI Arthur Roger Rasschaert, du Château d’Heurtebise, aidé par d’autres FFI de Gournay qui a gêné par ses tirs la retraite des allemands. Peut-être a-t-il contrarié la destruction totale du pont-passerelle en bois. ↑
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Seule la travée centrale du pont provisoire fut détruite, elle fut facilement remise en état définitif. ↑
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https://history.army.mil/html/books/007/7-5-1/CMH_Pub_7-5-1_fixed.pdf ↑
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D’autres furent co-optés, entre temps, comme Félix Mercadier* chef d’entreprise, communiste, qui sera élu maire en avril 1945. ↑
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Le * identifient les résidents habituels en 1939-40 à Gournay (pour les autres c’est à établir) ↑