Claude Elisée de Court de La Bruyère et son château de Gournay par Maryse Rivière
Claude-Elisée de Court de la Bruyère et son château de Gournay au XVIIIe siècle
MARYSE RIVIÈRE
À JACQUES GUILLARD
Couverture : portrait de Claude-Elisée de Court de La Bruyère, vice amiral du Ponant, paré en écharpe du ruban de Grand Croix de l’ordre royal et militaire du Saint Louis, Musée Chintreuil de Pont-de-Vaux et Mairie de Gournay-sur-Marne .
Première version 2009, révision 2014 en collaboration avec la Société Historique de Noisy-Gournay-Champs.
Édition avec quelques modifications en mai 2024 à l’occasion de sa mise en ligne avec WordPress par www.gournay-historique.fr site internet de la SHNGC
Sommaire
I – Des origines bressanes
1) Noblesse oblige
2) Le réseau familial
3) Contexte historique
II – Une carrière digne d’une épopée
1) La mer, l’aventure et la guerre
2) La dernière bataille : une histoire contestée
3) Interrogation au sujet de son portrait en vice amiral
III – Claude-Elisée de Court et la famille d’Orléans
IV – Achat du château de Gournay-sur-Marne
1) Origine du château de Gournay dit « de Palpoix »
2) Une petite folie
3) Projet d’urbanisme avant l’heure
a) Déplacement du bac et de l’église paroissiale
b) Les abords du château sont dégagés
c) Protection contre les crues
4) Un décor organisé
a) L’aspect extérieur fait partie de la mise en scène
b) Les aménagements intérieurs sont soignés
c) Le rez-de-chaussée
d) Le premier étage
e) Le deuxième étage
V – Les jardins
1) Le château est un élément central du décor
2) Des espaces verts distincts
3) La basse-cour
4) Partie nord-est (côté bac)
5) Le bois magique (côté ouest)
6) Le jardin potager
VI – La guinguette de M. de Court
VII – Les relations de Claude-Elisée de Court
1) Avec la noblesse
2) Avec les villageois
3) Avec l’abbé Alary, prieur commendataire de Gournay
VIII – La mort d’un homme
IX – L’agonie du château
1) Une mort lente mais inexorable
2) Qu’est-il advenu de l’artillerie du château de Gournay ?
X – Sources, bibliographie et iconographie
Au XVIIIe siècle, le château de Gournay prit un essor particulier sous l’emprise de Claude-Elisée de Court de La Bruyère, un homme dont le destin a embrassé deux siècles. Sa vie reste mystérieuse à bien des égards, c’est à travers les transformations qu’il imposera au petit village de Gournay-sur-Marne, la décoration de son château et la création de son parc que l’on parvient à percer un tant soit peu sa personnalité, Claude-Elysée de Court n’ayant laissé aucun écrit personnel.
Marin, éducateur puis gouverneur du duc de Chartres, cet homme haut en couleurs devient propriétaire du château de Gournay en 1719. Jusqu’à sa mort, en 1752, il y séjournera régulièrement pour se reposer d’une bataille, se divertir ou recevoir ses amis. Très attaché à ses terres de Gournay, il demandera à se faire inhumer dans l’église paroissiale Saint-Arnoult où l’on peut encore voir sa pierre tombale. Son parcours est captivant à plus d’un titre : Claude-Elisée de Court incarne un certain modèle d’homme sous l’Ancien Régime ; il participe aux guerres orchestrées par deux monarques ; il croise des hommes illustres, des marins mais aussi des penseurs ; enfin, il est protégé par la famille d’Orléans.
Explorer la vie de ce gentilhomme, c’est lever le voile sur le château de Gournay à une période charnière de l’histoire. Sous le « règne » de Claude-Elysée de Court de la Bruyère, cette demeure, modèle de raffinement aussi bien dans ses intérieurs que par ses extérieurs, connaîtra un véritable apogée.
I – Des origines bressanes
Claude Elisée de Court de la Bruyère est issu d’une famille implantée dans la Bresse, au carrefour des régions de Rhône-Alpes, de Bourgogne et de Franche-Comté, et plus précisément à Pont-de-Vaux. Son père, Charles-Caton de Court est gentilhomme ordinaire de Louis XIV et avocat au siège présidial de Bourg-en-Bresse. Sa mère, Anne de Saumaise, est la fille de Claude de Saumaise, érudit philologue protestant, universitaire. La famille de Saumaise, originaire de Bourgogne, serait d’une noblesse plus ancienne, remontant au XIIIe siècle. Charles-Caton de Court épouse Anne de Saumaise en 1649 : de ce mariage naîtront douze enfants, six filles et six garçons.
Blason des Saumaise Blason des De Court
1) Noblesse oblige
Des six filles, nous ne retiendrons arbitrairement que Charlotte, née en 1660, car elle semble la plus proche de Claude-Elisée de Court, personnage central de notre étude. Le fils de Charlotte, Louis-Alexandre-Catherine Du Port de Montplaisant, comte de Loriol, sera le légataire universel de Claude-Elisée et cultivera la mémoire de son oncle. Un fonds concernant la famille de Court est encore conservé de nos jours par la famille de Loriol.
Les fils de Court se consacrent aux Armes, aux Lettres ou à l’Eglise, comme le veut la tradition.
Charles-Caton naît en 1654. En tant qu’aîné, il prend le prénom de son père. Savant littérateur, il étudie la rhétorique, la philosophie, le grec et les langues orientales. Au cours d’un voyage à Rome, il s’enferme pendant une année au Vatican où il étudie sans discontinuer. Il se rend également à Londres, où il devient l’ami du physicien Robert Boyle. Devenu précepteur puis gouverneur du duc du Maine, fils naturel de Louis XIV, Charles-Caton suit ce dernier au siège de Philipsbourg en 1688. Pris d’une fièvre violente au camp de Vignamont, Charles-Caton meurt en octobre 1694, à l’âge de 49 ans.
Denis voit le jour en 1656. Louis XIV tentant de récupérer du territoire dans les Pays-Bas espagnols en 1683 et 1684, Denis est tué au siège du Luxembourg, en 1684, à l’âge de 28 ans.
Jean-Louis, né en 1663, se consacre à l’Eglise. Savant bénédictin, il devient abbé de Saint-Serge d’Angers et de Saint-Georges-sur-Loire. Il est admis à l’Académie d’Angers en 1701. Nous lui devons deux ouvrages en vers ou en prose dont L’heureux infortuné, histoire arabe (1722), et Variétés ingénieuses (1725). Il meurt en 1732 à l’âge de 62 ans.
D’où vient, sage Damon, qu’au milieu du grand monde,
Jamais on ne saurait goûter de paix profonde ?
A la ville, à la cour, d’où vient que peu de gens
Vivent dans leur état paisibles et contents ?
Et que, se dépouillant d’une honteuse envie,
Jouissent en repos des douceurs de la vie ?
C’est que l’homme en son sort ne pouvant se borner,
Croit que le seul bonheur consiste à dominer.
(Extrait de « Variétés ingénieuses » par Jean-Louis de Court)
Claude-Elisée, naît à Pont-de-Vaux le 16 février 1666. Dixième de la fratrie, il épousera la carrière de marin. Une destinée on ne peut plus inattendue pour un jeune homme qui voit le jour à des centaines de kilomètres de la mer, au milieu d’une terre de bocages.
L’hôtel de Court, maison natale d’Elisée de Court, à Pont-de-Vaux (Ain)
La famille de Court possède des terres et de nombreux fiefs dans la région de Pont-de-Vaux, exerçant une certaine prééminence. Elisée est dit « Seigneur de la Bruyère » ce nom se rattache probablement à un fief dont il aurait hérité dans le hameau de Gorrevod, dépendant du duché de Pont-de-Vaux.
La noblesse de province, plus encore que celle de Paris et de Versailles, est attachée aux principes de sa condition. Le jeune garçon grandit dans le respect des traditions propres à sa caste, souvent issues de coutumes instaurées pendant le long Moyen Âge, et dont la motivation principale est le service de l’Etat et du Roi.
2) Le réseau familial
L’homme des XVIIe et XVIIIe siècles ne fonctionne pas individuellement dans le milieu aristocratique. Lorsqu’il cherche à se hisser dans l’échelle de la société, il songe à en faire bénéficier les membres du groupe auquel il appartient naturellement, c’est-à-dire sa famille. Si le succès et la gloire jettent ses feux sur un de ses membres, c’est la famille entière qui en bénéficie. De véritables réseaux d’influence s’instaurent par le jeu des alliances et des mariages. Si le siècle de Louis XIV excelle dans le genre, cette coutume n’est pas nouvelle, elle existait déjà au temps des Romains. L’ascension de Claude-Elisée de Court de la Bruyère s’inscrit dans cette logique.
Il existe suffisamment de personnalités haut placées du côté paternel comme du côté maternel pour veiller sur lui : citons, entre autres, son grand-père Saumaise, académicien, qui réside à Paris et évolue dans un milieu influent, ses oncles qui servent dans la maison d’Orléans, son parrain, Claude Badoux, conseiller du roi, ses frères enfin, qui occupent des postes importants. Tout semble concourir pour que le jeune Claude-Elisée soit promis à un brillant avenir.
On ne parvient pas dans les sphères du pouvoir par enchantement, c’est le résultat d’une longue et patiente stratégie collective et familiale. Pour exister, il faut se faire connaître à la cour « devenue une coterie fermée et hiérarchisée où pourtant il est indispensable d’intriguer… Il faut déjouer la concurrence, car chaque famille a ses réseaux, ses parentés[1]. »
3) Contexte historique
Nous sommes au siècle de Louis XIV. Depuis la mort de Mazarin, en 1661, le roi règne sans partage. En tant que contrôleur général des finances, Colbert joue un rôle essentiel dans la politique du royaume, insufflant une nouvelle énergie dont la création des manufactures royales, le creusement du canal du Midi, la création de la Compagnie française des Indes orientales et celle des Indes occidentales en sont les fruits. C’est aussi une période de conflits à répétition avec les pays voisins : l’Espagne, la Hollande, l’Allemagne. La flotte française joue par conséquent un rôle essentiel dans cette série d’affrontements à la fois économiques et stratégiques. Ces circonstances vont probablement influer sur le choix de carrière du jeune et fringant Claude-Elisée de Court de la Bruyère.
II – Une carrière digne d’une épopée
Claude-Elisée entre de plain-pied dans la carrière de marin en devenant garde-marine en 1684 ; il est alors âgé de 18 ans. En choisissant cette voie, le jeune homme obéit-il à une décision paternelle ou suit-il un rêve personnel ? Nul ne peut le dire. La mode n’est pas encore à la retranscription, toute romantique, d’impressions et d’expériences, il n’est pas encore entré dans les mœurs de s’épancher sur son sort et c’est sans doute pour cette raison qu’Elisée de Court n’a laissé aucun témoignage direct relatant les différentes saisons de son existence bien remplie. Nos trouvailles sur la psychologie du personnage auront donc été assez ténues.
A partir de sa dix-huitième année, sa vie va se dérouler en grande partie sur les mers et les océans, à bord des bateaux de la Royale. Les courses folles, la vie en mer, le bruit des canons et celui du vent du large qui s’engouffre dans les voiles l’accompagneront jusqu’à l’automne de sa vie. Une longue série de batailles et d’aventures s’ensuit, mais, là encore, notre personnage n’est pas très bavard. La seule relation qu’il nous a laissée concerne son dernier combat, dont l’issue sera contestée par ses contemporains.
1) La mer, l’aventure, et la guerre
La méditerranée, la mer du Nord et l’Atlantique servent de théâtre aux puissances européennes pour régler leurs comptes et imposer leur suprématie. Claude-Elisée de Court commence sa carrière dans la dernière partie du règne de Louis XIV, une période des plus agitées, à l’intérieur comme à l’extérieur. En 1685, la révocation de l’édit de Nantes sème le trouble dans les esprits. De nombreux huguenots quittent le royaume de France : une branche protestante de la famille De Court part pour la Hollande après avoir transité par La Rochelle. A l’extérieur, l’Allemagne, l’Espagne, la Suède et la Bavière se liguent contre la France en 1686 (ligue d’Augsbourg). Un peu plus tard, ce sera l’Angleterre qui déclarera la guerre à la France. Pour le jeune Bressan, c’est une période exaltante qui commence. Il ne cessera de voguer sur les mers, découvrant des horizons nouveaux et se frottant à des personnalités qui ne manquent pas de panache. Dès le début, dit-on, il est remarqué pour sa valeur.
1684 : Claude-Elisée sert au bombardement de Gênes.
1685 : Il se trouve au bombardement de Tripoli
1686 : Au retour d’un voyage de Constantinople et des Echelles du Levant[2], il est fait « enseigne ».
1687 : Comme il n’y a pas de guerre, Claude-Elisée demande à faire le voyage à Rome où le roi envoie 200 officiers pour défendre les franchises du Palais de son ambassadeur. A son retour, le jeune homme est fait « lieutenant de vaisseau».
1689 : Des vaisseaux sont armés à Toulon. De Court est lieutenant sur le Parfait dans l’escadre du célèbre comte de Tourville et participe à la campagne de Belle-Ile. Le comte de Tourville fait partie de ces personnalités qui vont impressionner le jeune homme. Tourville, chef de guerre couronné de gloire et de succès, s’est distingué au service du Roi-Soleil, dans les guerres de course.[3]
1690 : La guerre contre les coalisés de la Ligue d’Augsbourg continue. Louis XIV veut dicter ses volontés aux autres pays européens ; il cherche à rétablir Jacques II sur le trône d’Angleterre en évinçant Guillaume d’Orange. Cette année-là, Claude-Elisée de Court participe à la légendaire bataille navale de Béveziers, dans la Manche, où les Français l’emportent contre les Anglo-Hollandais. Il commande la chaloupe du Brave.
La bataille du cap Béveziers, le 10 juillet 1690
1691 : Il fait campagne dans un des vaisseaux armés à Dunkerque.
1692 : Claude-Elisée est toujours en campagne.
1693 : Tourville intercepte un convoi ennemi en provenance de Smyrne au large de Lagos, au Portugal. Il détruit ou pille 80 navires marchands et inflige une perte de 30 millions de livres aux coalisés. Les bateaux saisis sont dirigés par le marquis de Coëtlogon (autre figure emblématique de la mer) dans le môle de Gibraltar, où ils sont brûlés. Claude-Elisée de Court fait partie de l’expédition.
1694 : De Court passe sous les ordres de l’illustre Jean Bart : il est lieutenant en pied au combat de la mer de Nord. Il s’agit de reprendre aux Hollandais des cargaisons de blé volées alors que la famine guette dans le royaume de France. A 28 ans, Claude-Elisée a atteint une certaine maîtrise au contact des remarquables chefs de guerre qu’il a servis. Il se fait remarquer au cours de ce combat et reçoit les compliments du roi en personne. Jean Bart reçoit des lettres de noblesse à la suite de cette affaire. Cette année-là, De Court commande le vaisseau Le Comte. Il accompagnera Jean Bart durant plusieurs années.
Jean Bart (1650-1702)
1695 : Année faste pour notre Bressan qui prend de plus en plus d’assurance sous les ordres d’un Jean Bart plus audacieux que jamais. Les Anglais tentent alors une guerre de destruction aux ports de commerce français (Saint-Malo, Dunkerque, Calais, etc.) au moyen de machines et de projectiles incendiaires. A la tête du Milfort, Claude-Elisée écarte une bombarde en feu qui menace le port de Dunkerque, et la remorque au large. Cet acte de bravoure lui vaut le grade de capitaine, qu’il reçoit en dehors de la période de promotions. Quelques mois plus tard, il est dans les mers du Nord où 50 prises, dont 5 vaisseaux de guerre, ont lieu (l’un d’eux est enlevé par de Court.)
1696 : Il commande toujours le Milfort et croise en mer du Nord dans l’escadre de Jean Bart qui dirige le Maure. Ils font la chasse à 80 navires de commerce hollandais dont plusieurs dizaines sont brûlés (victoire du Dogger Bank).
1697 : Jean Bart et ses hommes sont chargés d’escorter le prince François Louis de Bourbon-Conti, envoyé en Pologne par Louis XIV pour monter sur le trône. Les navires français parviennent à sortir du port de Dunkerque malgré 15 navires anglais qui bloquent le port. De Court fait partie du voyage. Quand le prince de Conti parvient à Dantzig, la place est prise par Auguste II le Fort ; il revient en France, toujours escorté par l’escadre de Jean Bart.
1698 : Paix générale. Le capitaine de Court en profite pour visiter les ports anglais et hollandais et en rapporte des renseignements utiles pour la marine française.
1699 : Il arme à Toulon pour Constantinople et n’en reviendra qu’un an plus tard, en 1700.
1700 : Charles II d’Espagne meurt. Son petit-neveu, duc d’Anjou, petit-fils de Louis XIV lui succède. Les puissances européennes voient d’un mauvais œil l’étendue du pouvoir de la famille du Roi-Soleil et se liguent contre la France : la guerre de Succession d’Espagne durera de 1701 à 1714 et sera à l’origine de batailles navales.
1701 : Dans l’armée du comte de Château-Renaud, il est à la tête du Triton. Château-Renaud part en expédition pour l’Amérique jusqu’en 1702 ; il est chargé de prendre la flotte du Mexique. On peut penser que De Court fait partie de cette aventure mais les informations corroborant cette hypothèse nous manquent.
1703 : Claude-Elisée est envoyé à Boulogne pour y commander la Marine.
1704 : Début août les anglais ont pris possession de Gibraltar. Le roi confie au comte de Provence[4], amiral de France , la mission de prendre le port. L’escadre française renonce et lève le siège sans subir de pertes, mais peu après elle en inflige de très lourdes aux anglais pendant la bataille navale de Vélez-Málaga pendant laquelle Claude Elisée de Court commandait le Foudroyant, vaisseau amiral de la flotte française commandée par le comte de Toulouse.
Extrait de l’Ordre de Bataille de Vélez-Málaga, aquarelle de Jérome Héliot[5] vers 1707
Claude-Elisée de Court sert avec tant de distinction que Philippe V, roi d’Espagne, l’honore du titre de « Brigadier de ses Armées » et lui offre une épée en or, alors que la Reine lui remet un diamant de prix.
1705 : Il reçoit le brevet de chevalier de Saint-Louis.
1706 : De Court se trouve au siège de Barcelone, toujours au service du comte de Toulouse. Il commande les chaloupes qui doivent empêcher le débarquement des troupes napolitaines ayant pour mission de pénétrer par la mer et de nuit dans la ville. De Court défend la place avec succès.
Louis Alexandre de Bourbon Comte de Toulouse
1707 : Il demande à se rendre à Toulon, alors assiégé, et fait encore preuve de jugement et d’initiative lors des opérations sous les ordres du maréchal de Tessé.
De 1708 à 1710 : Le roi n’armant dans aucun port, Claude-Elisée de Court est envoyé à Boulogne où il commande la Marine et observe les mouvements des Anglais dans la mer du Nord. Il participe à la défense du port au cours du siège de Lille orchestré par les Anglais en 1708.
Le comte de Toulouse 1708 par Hyacinthe Rigaud, Musée de la Marine
1711 : Ses états de service dans la Marine lui valent les honneurs de la cour. Elisée de Court est alors âgé de 45 ans, sa vie a atteint une sorte d’apogée, sa carrière, des plus remarquables, lui confère une grande réputation. Louis XIV lui confie l’éducation du duc de Chartres, âgé de 8 ans, fils du duc d’Orléans. A partir de cette période, sa carrière de marin prend une tout autre allure et tourne au ralenti. Elle ne prendra un nouvel essor qu’en 1734, c’est-à-dire quelque vingt ans plus tard. Il semble désormais accaparé par la vie de cour, dans le sillage du duc d’Orléans.
1715 : Sa réputation et ses affinités avec la famille d’Orléans lui valent le grade de chef d’escadre. C’est aussi l’année de la mort de Louis XIV. Le duc d’Orléans prend la régence jusqu’à la majorité du jeune Louis XV. Claude-Elisée de Court, gouverneur du fils du régent, voit son prestige augmenter.
1718 : La princesse de Conti vient d’acquérir par adjudication les châteaux de Champs-sur-Marne et de Gournay, ainsi que de nombreuses terres. Le château de Gournay n’intéresse pas la princesse, elle signe une promesse de vente, au profit de Claude-Elisée de Court, pour son acquisition. De Court en devient pleinement propriétaire l’année suivante. En roture. La propriété comprend, outre le château, des colombiers, un moulin, un jardin potager, une petite maison de garde.
1725 : Elisée de Court est hissé au grade de lieutenant général.
1729 : Il est fait commandeur de Saint-Louis.
1734 : Après une longue période sans campagne, il prend le commandement de l’escadre de Cadix, contre les Anglais qui le tiennent en respect.
1739 : Les rivalités se poursuivent entre les puissances européennes. Une chicane entre Anglais et Espagnols est à l’origine d’une nouvelle guerre. En effet, les Espagnols ont enlevé un bateau anglais et maltraité son équipage, suprême humiliation pour les sujets de sa Majesté. Dès lors, les vaisseaux des deux pays croisent sur l’Atlantique, les corsaires attaquant les navires marchands et se livrent à des pillages. La marine française, très affaiblie, ne peut proposer qu’une aide relative aux Espagnols.
1741 : Les Anglais tiennent les places stratégiques de Gibraltar et de Minorque et provoquent quotidiennement les Espagnols en Méditerranée. La situation devient de plus en plus tendue. Les poursuites entre Anglais et Espagnols ont lieu jusque dans les eaux françaises. La France souffre cruellement d’un manque de marins expérimentés sous le règne de Louis XV. Ce dernier n’a pas fait le choix de doter la France d’une marine efficace, contrairement à son aïeul. En juillet 1741, le secrétaire d’état Maurepas donne l’ordre de mettre à la mer une escadre de douze vaisseaux, dont le commandement revient à Claude-Elisée de Court, afin de protéger les côtes françaises, particulièrement la rade de Toulon. C’est ainsi que De Court reprend du service. Dans ses Mémoires, le duc de Richelieu précise que « les navires sont pourris et hors d’état de tenir la mer. » L’âge du lieutenant général pourrait bien être un handicap, De Court étant alors âgé de 75 ans. Ses contemporains attestent qu’il est encore très vigoureux. Claude-Elisée n’a pas réellement bataillé depuis 1707, lorsque Maurepas lui confie cette responsabilité. La situation de la marine est telle que De Court n’est pas le seul « vieillard » à reprendre la mer à cette période. Malgré son âge, il se montre encore excellent stratège et met l’Anglais en fuite. En remerciement, le roi d’Espagne lui fait parvenir son portrait, enrichi de diamants.
1742 : Les marines françaises et espagnoles combinent leurs efforts en Méditerranée pour tenir tête aux Anglais. De Court a l’ordre de ne tirer sur les Anglais que s’il est attaqué. Les marins du roi d’Espagne sont dans un triste état : nus, misérables, et décimés par les maladies. Après avoir escorté un convoi militaire envoyé par Philippe V, roi d’Espagne, les bateaux espagnols trouvent refuge dans le port de Toulon. Les Anglais, commandés par l’amiral Matthews, y bloquent l’escadre de Don Navarro, et par la même occasion provoquent celle de De Court et la marine française. Cette provocation anglaise et ce blocus dureront jusqu’en 1744, longue période pendant laquelle les Espagnols se prépareront à la riposte. La tension monte en Méditerranée.
1744 : Après une longue période d’hésitation et de flottement, Français et Espagnols se décident enfin à sortir du port de Toulon en janvier 1744. L’amiral de Court fait une courte reconnaissance du côté de Hyères. Ironiquement, Matthews, l’amiral anglais le salue de onze coups de canon, prélude au duel qui va commencer. En tant qu’historiographe de Louis XV, Voltaire rend compte des faits : « On fit sortir de la rade l’escadre espagnole commandée par Don Joseph de Navarro. Elle n’était que de 12 vaisseaux et fut jointe aussitôt par 14 vaisseaux français, 4 frégates et 3 brûlots sous les ordres de M. de Court qui, à près de 80 ans, avait toute la vigueur de corps et d’esprit qu’un tel commandement exige. » Le célèbre Duquesne sert dans la flotte pendant ces événements. Roland-Michel Barrin de la Galissonière, La Jonquière, Louis-Philippe de Rigaud de Vaudreuil sont également de la partie.
2) La dernière bataille : une victoire contestée.
Les opérations commencent le 19 février 1744, par l’appareillage des escadres alliées de Don Navarro et De Court. Le 22, elles sortent tout à fait de la grande rade et mettent cap au sud. En tête, l’avant-garde française, avec 9 vaisseaux, commandée par Gabaret qui monte l’Espérance. Au centre, le corps de bataille formé de 7 vaisseaux français et de 3 vaisseaux espagnols, pourvus de 74 canons et commandé par le capitaine de vaisseau La Jonquière. Les bateaux français sont sous les ordres du lieutenant général de Court qui monte lui-même le Terrible. En queue, l’arrière-garde espagnole de 9 vaisseaux, commandée par Don Navarro sur le Real-Felipe, équipé de 110 canons. D’après un rapport de Claude-Elisée de Court, les Espagnols ne suivent pas la consigne de rester groupés, ils se dispersent au contraire. Les Anglais, dirigés par Matthews sur le Marlborough, sont rapidement à la poursuite des navires franco-espagnols. Le combat a lieu jusqu’au soir, en ordre dispersé, inégal, imprécis et peu éclatant, du côté anglais comme du côté franco-espagnol. Don Navarro, blessé, se retire en fond de cale à bord du Real-Felipe. Se ressaisissant, De Court réalise une belle manœuvre en s’interposant entre le centre anglais et les Espagnols, sauvant ainsi le Real-Felipe. Le lendemain, des navires espagnols, restés inertes et spectateurs la veille, s’en prennent aux Anglais qui n’insistent pas davantage mais se retirent, contre toute attente, à Port-Mahon pour radouber leurs vaisseaux maltraités. Les Espagnols et les Français n’insistent pas davantage et mettent le cap sur l’Espagne, vers Alicante et Carthagène. La victoire, bien que déclarée franco-espagnole, n’est pas franche. Après avoir placé l’escadre de Don Navarro en sécurité, Elisée de Court quitte les côtes espagnoles pour regagner Toulon à la mi-avril.
Une polémique naît à l’issue de cette bataille, qualifiée de molle par les deux parties. Côté anglais, l’amiral Matthews est déclaré incapable de servir après un long procès. Côté français, De Court est un peu moins mal traité, mais on lui fait d’injustes reproches. L’espagnol Don Navarro est le seul à tirer son épingle du jeu, malgré un comportement contestable pendant la bataille : le roi d’Espagne Philippe V le fait lieutenant général et marquis, avec une pension de 4000 livres. Les Espagnols prétendent que les Français, loin de les avoir secourus, les ont laissé porter tout le poids de la bataille et les ont sacrifiés. Philippe V s’en plaint auprès de Louis XV et l’on demande des comptes à Claude-Elisée de Court qui se retire dans ses terres de Gournay. La cause du vieil homme est pourtant défendue par le chevalier de Mirabeau et de Lage de Cueilly qui ont participé à la bataille. Voici ce que dit de Lage dans ses Mémoires : « L’on peut dire… qu’un peu plus d’ordre dans les Espagnols aurait empêché M. Matthews de les attaquer. Voilà ce qui a attiré au général français (De Court)[NDA] la haine de ces Espagnols ou qui étaient à fond de cale pour de légères blessures, ou qui se sont tenus trop loin des coups pour en juger, ou qui ont abandonné sans ordre leur général. » Dans une lettre[6] qu’il adresse à l’évêque de Rennes, alors ambassadeur de France à Madrid, De Court s’explique, non sans laisser percer son amertume envers la cabale montée contre lui. Comme souvent en ces circonstances, il faut bien trouver un coupable, mais n’était-il pas simplement trop âgé pour mener une telle bataille ? De mauvaises langues ont prétendu qu’il avait obtenu ce commandement parce qu’il était au mieux avec Mme de Maurepas qu’il recevait dans sa guinguette (sic), entendons par là son château de Gournay où il avait aménagé un parc extraordinaire avec des jeux.
A la suite de cet épisode, Anglais et Français entrent ouvertement en guerre et sont aux prises en Méditerranée comme ils l’ont été par le passé.
La carrière d’Elisée de Court aurait pu se terminer ainsi, sur un demi-échec. Maurepas le tient en disgrâce mais le purgatoire ne dure pas très longtemps. Dès que ce dernier est à son tour écarté du pouvoir, en 1749, les mérites du lieutenant général de Court sont reconnus. En 1750, il reçoit le titre honorifique de vice-amiral du Ponant et fait Grand Croix de l’ordre de Saint-Louis[7]. Louis XV lui remet 16 canons en cadeau, canons qui seront placés dans sa demeure de Gournay-sur-Marne, comme objets de décoration.
3) Interrogation au sujet de son tableau en vice amiral [8]
Un portrait de Claude Elisée de Court fut longtemps exposé à Toulon dans la maison des officiers de la Marine, au milieu d’autres portraits de marins qui s’étaient particulièrement distingués. Une reproduction est exposée au Musée Chintreuil de Pont-de-Vaux, sa ville natale (https://www.musee-chintreuil.com/galerie-de-portraits/) et une seconde à la Mairie de Gournay-sur-Marne, le château où il est décédé et la ville où il repose depuis 1752.
Pour quelles raisons le marin de Court a-t-il été peint « à la manière » du comte de Provence ?
Après sa dernière promotion au printemps 1750, à 84 ans aux grades de vice amiral du Ponant et de Grand Croix de l’ordre de Saint Louis, il était naturel qu’il veuille un portrait de lui en officier supérieur avec en écharpe le ruban bleu de Grand Croix de l’ordre royal et militaire de Saint Louis.
L’artiste inconnu et le modèle se sont surement souvenu du portait du comte de Toulouse en grand amiral au ruban bleu, peint en 1708 par Hyacinthe Rigaud (1759-1743) qui rappelle les circonstances du siège de Gibraltar, figurant les éléments marins, le fort marin, la bataille de Vélez-Málaga, moments très glorieux partagés sur le Foudroyant par le comte de Provence et Claude Elisée de Court.
Etait-ce une volonté de Claude Elisée de Court ou l’initiative du peintre inconnu, de s’inspirer si largement de l’œuvre de Hyacinthe Rigaud, la question reste posée.
III – Claude Elisée de Court et la famille d’Orléans
Ce sont incontestablement les faits militaires qui valent à Claude-Elisée une réputation avantageuse auprès de la cour, toujours impressionnée par les héros et les hommes auréolés de succès. Sa carrière est brillante. De 1684, année où il épouse la vie de marin, jusqu’ à 1710, l’homme ne se repose guère, il est de toutes les batailles, aux côtés de marins illustres tels que Tourville, Jean Bart, le comte de Toulouse. S’il n’avait pas été rappelé pour défendre Toulon et mener une bataille mitigée, on peut dire que son parcours eût été sans faute.
En 1711, son prestige est suffisamment grand pour que Louis XIV le choisisse afin d’éduquer son petit-neveu, Louis d’Orléans, le duc de Chartres, fils du duc d’Orléans (frère du roi et régent en 1715).[9]
L’éducation du premier prince du sang est de la plus haute importance. Est-ce la carrière de Claude-Elisée de Court qui a dicté le choix du roi ? Songeait-il à faire du duc de Chartres un marin ? Difficile de le dire. Quoi qu’il en soit, le choix royal aura une incidence considérable sur la vie de Claude-Elisée de Court, en le propulsant au plus près de la cour, de son cortège d’intrigues, de faveurs, de luxe et d’excès.
Une amitié affectueuse se tisse entre le petit prince et Elisée de Court, de 37 ans son aîné, amitié qui ne se démentira jamais. (Les deux hommes curieusement disparaîtront la même année, en 1752, à quelques mois d’intervalle.)
Dès qu’on lui confie cette mission, Elisée de Court change son mode de vie, il délaisse la mer pour apprendre à naviguer sur l’océan agité de la vie à la cour. Il jouit d’un appartement à Versailles et d’un autre au Palais Royal, résidence des ducs d’Orléans. Quand le duc de Chartres devient un homme, Elisée de Court continue de faire partie des favoris et devient son sous-gouverneur.
Le Palais Royal
Il semble vouer une admiration sans bornes à celui qu’il considère, consciemment ou non, comme un modèle, et auquel il semble s’identifier par mimétisme. C’est ainsi que plusieurs portraits du duc de Chartres orneront les murs de sa résidence à Gournay-sur-Marne. Le duc de Chartres est un personnage qui sort de l’ordinaire, il se livre à ses passions successives que sont d’abord les femmes, la chasse, puis les livres, la science et enfin la dévotion et l’exégèse. A l’instar de tous les Orléans, c’est un être subtil, attiré par les arts. Il fait travailler de nombreux artistes, dont son portraitiste officiel, Charles Coypel, commande de nombreuses œuvres d’art, collectionne les livres par milliers, protège des savants et des gens de lettres. Son rayonnement est immense, ceux qui le côtoient baignent inévitablement dans une atmosphère singulière.
A partir de 1742, Louis d’Orléans, se retire de l’agitation du monde pour se consacrer aux études bibliques et à la foi catholique, ce qui lui vaudra le surnom de « Louis le Pieux ». Cette vie n’est pas très compatible avec sa naissance aux yeux du roi et de la cour, néanmoins il ne dérogera pas et séjournera à l’abbaye de Sainte-Geneviève où il se consacrera à la théologie jusqu’à sa mort, en 1752. Il sera l’auteur de plusieurs manuscrits érudits.
Louis d’Orléans, (1703-1752), Duc de Chartres puis en 1723 Duc d’Orléans,
premier prince du sang ,par Charles Antoine Coypel
IV – Achat du château de Gournay-sur-Marne par Claude-Elisée de Court
A la suite de la déconfiture de Bourvallais, en 1718, la princesse de Conti achète par adjudication une grande partie des domaines situés entre Noisy-le-Grand, Gournay-sur-Marne et Champs-sur-Marne. C’est surtout le beau château de Champs-sur-Marne qu’elle convoite. Cette vaste acquisition englobe également le petit château en brique rouge et en pierre de Gournay, couramment appelé « château de Palpoix », dont la dame de Conti se moque éperdument. Elle cherche d’ailleurs à se débarrasser au plus vite de cette demeure encombrante en la revendant aussitôt. La position de Claude-Elisée de Court à Versailles lui permet d’être informé de tout, il apprend l’intention de la princesse de vendre ce petit château qu’il trouve tout à fait à son goût. Une promesse de vente est signée dès le ler décembre 1718 entre les deux protagonistes, pour un montant de 20 000 livres. Le 29 septembre 1719, l’achat sera concrétisé, en roture et sans mouvance.
Vente du château de Gournay par la princesse de Conti à Claude-Elysée de Court, 1719 (Archives nationales)
1) Origine du château de Gournay dit « fief de Palpoix »
Pour mieux connaître l’histoire de Gournay et de son château, il est conseillé de lire Le Roman de Gournay, ouvrage rédigé sous l’égide de la Société Historique.
En synthèse, nous pouvons dire qu’un castrum fut édifié en bord de Marne à l’époque des invasions normandes, sans doute pour surveiller les allées et venues ennemies entre la fin du IXe siècle et le début du siècle suivant. Construit sur une motte artificielle, comme cela se faisait à l’époque, il était bâti en bois. La présence d’un gué à proximité justifiait aussi, semble-t-il, une surveillance continue. Des cabanes seront construites autour du castrum : ainsi naîtra le petit village de Gournay au cours du Moyen Âge. Au fil de l’histoire, le château sur motte passera entre les mains de nombreux vassaux. D’après nos sources, il prend l’appellation de fief de Palpoix sous Charles VIII en 1494 par lettres patentes signées par le roi. Il se compose alors d’une tour défensive, d’un logis seigneurial, de deux pêcheries et de deux arpents de terre.
Au XVIIe siècle, le chevalier Levassor lègue son fief à sa fille, Marie Levassor, qui devient « seigneur de Gournay » à la mort de son père. Elle épouse Louis Ancelin, un des fils de Perrette Dufour, nourrice du roi Louis XIV. Le couple fait construire le superbe château en brique[10] et pierre vers 1667, en remplacement de l’ancien logis seigneurial plus ou moins en ruine depuis la Fronde. Le nouveau château est composé d’un bâtiment central encadré de quatre pavillons. La façade principale donne sur la Marne et porte un fronton classique et quatre mascarons surplombant les fenêtres.
Sur la gravure ci-dessous, on peut voir encore la ruine du château sur motte. On devine l’ancien village avec des murailles qui le protégeaient sur la droite, ainsi que l’oratoire et la prison sur la gauche. Le pigeonnier à l’angle de la demeure est l’apanage de la seigneurie, il disparaîtra lorsque Claude-Elisée de Court deviendra propriétaire du domaine et sera remplacé par deux petits pigeonniers décoratifs à l’entrée du parc.
Le château et le petit village. Gravure du XVIIe siècle (auteur anonyme). BnF
2) Une « petite folie »
De Court achète cette propriété en roture c’est-à-dire sans droits seigneuriaux, c’est pourtant en seigneur qu’il se comportera à Gournay-sur-Marne et ce jusqu’à sa mort. Il a 53 ans lorsqu’il fait l’acquisition de ce domaine, cela fait huit ans qu’il est au service de la famille d’Orléans, auprès de laquelle il a formé son goût et développé peu ou prou un esprit de grandeur. Le château de Gournay représente une « petite folie[11] » où il donnera libre cours à son esprit créatif pour en faire son « royaume » et où il se rendra très souvent, tout en conservant ses appartements au Palais Royal et à Versailles, dans l’entourage du duc de Chartres.
Le site offre beaucoup d’avantages : proche de Paris tout en restant à la campagne, et en bordure de rivière. Le village de Gournay est alors très petit, il ne compte qu’une centaine d’habitants. Les maisons sont concentrées autour du bras Saint-Arnoult. Rares sont les habitations de l’autre côté de la Marne ou à proximité du vieux prieuré (bâti en 1080). Selon le modèle médiéval, l’église, l’oratoire, la maison du geôlier, la ferme, l’ancien logis seigneurial sont agglutinés autour du nouveau château. L’ensemble est entouré et protégé, d’un côté par la Marne, de l’autre par le bras Saint-Arnoult.
Le nouveau propriétaire imagine et met en œuvre un plan ambitieux afin de mettre en scène un certain art de vivre et de préserver son intimité. Pour réaliser son projet, il bénéficie des conseils et des services de nombreux artistes travaillant déjà pour le duc d’Orléans, parmi lesquels l’architecte Charles Ju.
Le nouveau propriétaire veut protéger son château et se tenir à distance des vicissitudes de la vie quotidienne. Le débarcadère du bac par exemple se situe devant le château, et ce sont de fréquents et bruyants va-et-vient sous ses fenêtres : passagers du bac mais aussi bétail, troupeaux, charrettes, équipages qui se haranguent, longent les murs de sa demeure avant d’emprunter le chemin de la ferme ou le passage du bac. L’église, placée tout à côté, attire beaucoup de monde, particulièrement les dimanches et les jours de fêtes, la vie d’un village du début du XVIIIe étant rythmée par les rites religieux. A cela s’ajoute les bruits de la ferme à proximité et les mouvements autour de l’oratoire et de la prison, qui, même s’ils ne sont plus très actifs, offrent un triste spectacle aux yeux du chef d’escadre de la marine royale.
3) Projet d’urbanisme avant l’heure
a) Déplacement du bac et de l’église paroissiale
Claude-Elisée de Court n’hésite pas à bouleverser les habitudes des Gournaysiens en transformant la physionomie de leur village de manière radicale. Aujourd’hui, on dirait qu’il est le maître d’œuvre d’un nouveau plan d’urbanisme. Le passage du bac[12] sous ses fenêtres le dérange ? Qu’à cela ne tienne ! Il fait assécher un delta du bras Saint-Arnoult, un peu plus en amont, installe sur cette bande de terre un nouveau débarcadère et un nouveau chemin pour entrer dans le village (l’ancien passait par la rue de la Ferme actuelle).
L’ancienne petite maison du péagier du bac, dont le style est censé s’harmoniser avec le château,
et une sculpture se trouvent sur le côté de la maison (La Table de Maître Renard et l’échoppe CBD)
Les utilisateurs du bac accosteront désormais loin de sa propriété. Dans le delta se trouve un moulin qui a appartenu aux moines du prieuré : devenu gênant, il est détruit sans autre forme de procès. De Court fait construire une petite maison pour le péager du bac, dans le même style que le château, en brique et pierre (magasin GIP moto de nos jours).
Quant à l’église, elle est tout simplement abattue en 1720 pour être rebâtie à neuf de l’autre côté du bras Saint-Arnoult, aux frais de M. de Court, à l’emplacement que nous lui connaissons aujourd’hui. Cette translation est validée par la hiérarchie de l’Eglise, mais peut-on refuser une requête présentée par le chef d’escadre qui bénéficie de tels appuis à la cour ? Le cimetière, entourant l’église, suit le même sort que la petite église et il est demandé « que les défunts soient réinhumés avec la décence requise, la nuit ou au grand matin, sans concours du peuple et avec quelques prières à voix basse pour le repos des âmes des dits défunts. » En attendant la fin des travaux, la messe est célébrée dans la petite chapelle des moines du prieuré, encore sous l’autorité de l’abbé Dangeau en 1720. C’est le frère Romain qui lève les plans de la nouvelle église paroissiale : ce dominicain a été appelé dans la région par les abbesses de Chelles ; il sera également l’architecte de l’église paroissiale de Guermantes.
Autorisation de déplacer le cimetière, sous certaines conditions.
Ainsi débarrassé de tout ce qui l’encombrait, le gentilhomme peut organiser les espaces autour de son domaine à sa guise. Il utilise au mieux la configuration des lieux en enfermant sa propriété dans une nasse dont la Marne et le bras Saint-Arnoult constituent les frontières naturelles, formant ce que l’on appelle l’île de Baubigny. De Court se retrouve ainsi « seul sur une île » d’environ vingt-trois hectares, et cet isolement, loin de lui déplaire, semble convenir parfaitement à son caractère. Une carte de Trudaine nous donne un petit aperçu de la physionomie du village repensé par le chef d’escadre et ses conseillers. La propriété s’y détache bien. On voit nettement la prairie appartenant aux moines de l’abbaye de Gournay, traversée par une jetée qui permettait d’atteindre le coude de la rivière. A l’extrémité, De Court y installera une rotonde et un kiosque, sans doute pour y faire jouer de la musique, la Marne servant de décor naturel.
Extrait d’un plan de Trudaine vers 1755
Le château et ses jardins sont isolés du reste du village par le bras Saint-Arnoult qui serpente. Un bras du delta du ru Saint-Arnoult ayant été comblé, un nouveau chemin est tracé pour se rendre de la Marne au cœur du village, sans passer devant le château et sans importuner le nouveau maître des lieux.
L’église, à son nouvel emplacement, entourée de son cimetière. L’ensemble est clôturé, la place de l’église est un terrain vague.
photo, collection particulière
b) Les abords du château sont dégagés
Quelques modifications concernant le château vont également contribuer à son embellissement. Le grand colombier, qui était collé au bâtiment à l’époque de sa construction, est détruit (voir gravure page 21). Deux petits colombiers, érigés à l’entrée de la cour d’honneur, le remplaceront, mais leur vocation sera d’ordre purement esthétique, Elisée de Court n’ayant pas le droit d’élever des pigeons, prérogative réservée aux seuls seigneurs, possesseurs d’un fief.
L’un des deux colombiers qui résistent, bon an mal an, à l’outrage du temps.
Le même sort est réservé aux vieux bâtiments que sont l’auditoire, la prison, la maison du geôlier, l’ancienne ferme.
Une nouvelle ferme est bâtie, rue de la Ferme, de l’autre côté du bras Saint-Arnoult ; on y accède par un petit pont de bois[13].
Extrait du plan du fort de gournay par Claude de Chastillon ed 1655 BnF
Vestige de la tour médiévale datant de LouisVI le Gros (XIIe siècle)
Au pied de la tour : la prison, l’auditoire, la maison du geôlier et la motte qui a servi de fondation.
Les habitants des dernières masures à proximité du château sont expropriés et contraints de s’installer ailleurs. Quant à la ruine de l’ancien fortin, dernier vertige du village médiéval et dernier symbole du fief de Palpoix, elle disparaît également. Cette première étape de destruction et de transplantation passée, Elisée a les coudées franches pour donner libre cours à ses envies de grandeur, et il ne manque ni d’inspiration ni de goût. Sa situation financière confortable lui permet de s’entourer d’architectes et d’artistes de valeur qui gravitent autour du duc de Chartres.
c) Protection contre les crues
La terrasse, côté Marne, donne sur le chemin de halage pavé, large de deux mètres. Elle est soutenue par un mur en pierre, mais les crues sont menaçantes, aussi cette protection est-elle renforcée par une « palée de pieux »composée de piquets hauts de quatre mètres, épais de 25 à 33 centimètres, espacés les uns des autres d’un mètre. Ils sortent de deux mètres au-dessus de la rivière, sont couverts de chapeaux et liés entre eux par des entretoises et des boulons.
4) Un décor organisé[14]
a) L’aspect extérieur est un élément clé de la mise en scène
Tout semble pensé. Dès son arrivée, le visiteur a l’impression de pénétrer dans un petit paradis. On accède à la propriété de M. de Court par une voie pavée, bordée de deux rangées d’ormes, qui longe le bras Saint-Arnoult (aujourd’hui disparue). Au bout de cette voie, les carrosses peuvent tourner autour d’une place (place du Puits artésien) avant de franchir le petit pont de pierre qui enjambe le ru, et pénétrer dans la cour d’honneur dont l’accès est protégé par une grille en fer forgé monumentale, ornée à son sommet d’un groupe d’enfants jouant de la musique.
Le pont par lequel on pénétrait dans la cour d’honneur porte encore la date de sa construction gravée dans la pierre (1726). Photo collection particulière
Vue du château de Gournay de l’autre côté de la Marne
Dessin de la façade nord levé par Claude Sauvageot en 1872
La façade nord, côté Marne, légèrement modifiée par Claude-Elisée de Court qui ajoute le balcon et change les œils de bœuf du second étage en fenêtres classiques. Le décor du fronton et les statues entourant les fenêtres du rez-de-chaussée et du 1er étage ont disparu. Gravure par Louis et Claude Sauvageot 1872 la Seine & Oise illustrée
La cour d’honneur est un élément majeur. Puisqu’elle inspire au visiteur une première impression, elle doit être particulièrement soignée. On est d’abord accueilli par les deux petits pigeonniers placés après la grille, telles deux sentinelles. La cour d’honneur est traversée par une chaussée pavée de grès qui s’élargit en demi-lune devant le château. De part et d’autre de la chaussée, deux carrés de gazon apaisent le regard. Sur la droite se tient une basse-cour, fermée par un muret, dont la vue est protégée par une haie de vingt-quatre marronniers.
Sur la façade nord, côté Marne, une terrasse est aménagée. Elle est équipée de bancs de pierre moulurés et ornée, à droite et à gauche du château, de rectangles composés en parterre de broderie ou de bordures et plates-bandes.
L’aspect extérieur du château et son architecture ne subissent pas de transformations majeures, l’ensemble présentant un aspect très équilibré depuis sa conception. Claude-Elisée se contente de transformer les fenêtres du 2e étage (d’oeils de bœuf, elles deviennent fenêtres classiques) et d’ajouter un balcon sur la façade nord. La Marne est un atout essentiel dans la mise en scène, elle sert à la fois de décor et d’élément architectural ; elle est aussi le fondement d’une inspiration poétique, particulièrement dans la conception du jardin, unique par son originalité et sa beauté.
S’il est impossible de se téléporter près de trois siècles en arrière, on peut quand même imaginer la beauté des lieux, les bruits de la basse-cour, discrètement à l’écart, le son de la cloche de l’église toute proche, le clapotis de la rivière le long des berges, les allées et venues du maître des lieux et des domestiques, le crissement des roues d’un carrosse sur les pavés de la cour d’honneur.
b) Les aménagements intérieurs sont soignés
Grâce à l’inventaire, dressé à la mort du vice-amiral De Court en août 1752, nous avons connaissance de l’ameublement et de la décoration des douze pièces du château. Une impression de grand raffinement se dégage. Nous pénétrons dans l’univers d’un homme qui par ailleurs demeure une énigme : jamais marié, n’ayant pas d’enfant connu, Elisée de Court ne laisse rien transparaître de sa vie privée. Est-ce sa nature profonde ou bien la vie sur les mers l’a-t-elle particulièrement endurci ? Nul ne sait. Nous avons en tout cas affaire à un homme attaché à la beauté des choses, en témoigne le soin qu’il met à décorer autant l’intérieur que l’extérieur de sa demeure. De cette résidence, aux dimensions humaines, il fait un nid confortable, accueillant, presque intime, où les invités se sentent bien.
c) Le rez-de-chaussée
On entrait dans la demeure par une double porte : la première était formée d’une grille de fer forgé datant du vieux logis seigneurial, à deux ventaux, la seconde était en bois de chêne et comportait des ferrures.
Les volets sont à l’intérieur des pièces et en bois. Le vestibule est carrelé de grands carreaux de pierre et petits carreaux noirs.
Le vestibule et l’escalier montrent une certaine sobriété, pour ne pas étaler ses richesses et faire ainsi offense aux visiteurs. L’escalier monumental de pierre n’a pas changé depuis l’édification du château. La rampe est un très bel exemple du travail de ferronnerie du XVIIe siècle, alliant équilibre et élégance. La lumière du jour pénètre à flots par deux grandes croisées éclairant aussi bien le rez-de-chaussée que l’étage.
La cuisine se trouve en dehors du château dans les bâtiments de la basse-cour, les occupants ne sont donc pas incommodés par les odeurs. Un réchauffoir, placé sous l’escalier, permet de réchauffer les plats avant qu’ils ne soient servis dans la salle à manger, dont les fenêtres donnent sur la Marne.
Dans toutes les pièces, les pans de mur sont recouverts de tapisseries fleuries, de lambris ou d’un miroir. Chaque salle possède des peintures au-dessus des portes, une cheminée et des tableaux. Tissus, rideaux et courtepointes sont choisis pour répondre à l’harmonie des couleurs de la tapisserie souvent agrémentée de fleurs aux teintes vives « fond blanc avec ramages de fleurs bleues où il y a un peu de rouge, dans une chambre, Damas de Caux rayé de rouge, vert et jaune dans une garde-robe, toile fond sablé et ramages de grosses fleurs rouges dans un salon… » La salle à manger est boisée au pourtour, chaque trumeau supportant un tableau.
C’est encore l’inventaire qui nous renseigne sur la quantité des peintures accrochées aux murs ou au-dessus de portes, et elles sont nombreuses, chaque pièce arborant une ou plusieurs d’entre elles, comme s’il était inconcevable de laisser un seul pan de mur vide. Nous sommes en pleine période Rococo, un style qui privilégie le foisonnement, l’abondance et l’allégorie. Les sujets des peintures du château de Gournay tournent autour de trois thèmes principaux : les personnages de Don Quichotte, ceux du Roman comique de Scaron et des représentations de Daphnis et Chloé, très en vogue au XVIII e siècle.
Daphnis et Chloe par François Gérard 1825 Musée du Louvre
L’allégorie de Daphnis et Chloé semble particulièrement plaire au propriétaire car nous la retrouvons dans une chambre du rez-de-chaussée, la salle à manger et la salle de compagnie (ou salon). Les scènes de Don Quichotte servent de décor à la salle du buffet mais nous devons aussi mentionner des peintures représentant des fleurs, des fruits, un moulin, des festins. Un paravent « à la façon de la Chine » est mentionné dans la salle à manger ainsi que deux rocailles en coquille au haut de la cheminée de cette même pièce. Reproduction tableau Daphnis et Chloé
Plan du rez-de-chaussée levé par Claude Sauvageot en 1872 pour M. Nast.
Dans un petit cabinet donnant sur la Marne, on trouve une table de madrille et un jeu de trictrac. Il existe des lieux d’aisance au rez-de-chaussée avec fontaines de cuivre, peintes en façon Japon (sic), avec leurs robinets dorés, des coquilles de marbre blanc qui reçoivent l’eau, et six pots pourris de faïence, rouge, bleue et blanche. On le voit, chaque recoin fait l’objet de beaucoup d’attention.
d) Le premier étage
A l’étage comme au rez-de-chaussée, on retrouve le même goût, le même raffinement, le même foisonnement. Le choix de la décoration semble correspondre davantage encore à la personnalité de Claude-Elisée de Court. En haut de l’escalier, sur la gauche, se trouvent les appartements de Monsieur[15], que l’on atteint en franchissant une porte dont le décor représente la marine. Le choix des peintures, sur les portes ou sur les murs, fait écho à la carrière du propriétaire : tableaux représentant des plans de Paris, cartes du Royaume de France, d’Allemagne, d’Espagne ou de l’armée navale.
Dans sa chambre à coucher, on notera la présence du portrait du duc de Chartres au mur mais également sur la porte de sa garde-robe, signe d’une admiration sans faille. La pièce est « tapissée d’une toile rayée, d’une raye brune et sable avec une fleur blanche qui a son milieu brun, encadrée d’une autre toile fond blanc, fleurs brunes et rouges ». La cheminée est boisée et garnie de carreaux de faïence, des guéridons en bois des Indes sont placés à plusieurs endroits autour du lit impérial fermé par des rideaux. Le petit cabinet adjacent contient des fauteuils, un prie-Dieu, un bureau de bois des Indes garni de maroquin noir. Une carte d’Espagne est peinte sur la porte séparant la chambre de ce cabinet dont le plafond est décoré d’une peinture représentant Vénus sur un char. A noter : c’est la seule peinture qui ait résisté aux aléas de l’histoire et que nous pouvons encore admirer aujourd’hui. Bien que de multiples restaurations malheureuses aient considérablement abîmé l’œuvre d’origine, elle nous permet d’imaginer en partie le décor du XVIIIe siècle.
Unique peinture de plafond restant au château de Gournay. Nous ignorons de nom de l’auteur de cette Vénus dont le char est tiré par un amour et des colombes.
La pièce adjacente abrite la garde-robe et comprend, entre autre, une chaise percée, deux grands pots pourris, deux pots de chambre bleus et blancs, un bassin à barbe, un bidet, une table de nuit, un rideau de taffetas vert à la porte vitrée.
A la suite, se situe la chambre du valet de chambre de Monsieur : elle impressionne par sa taille.
D’autres pièces sont mentionnées au premier étage ; difficiles à situer car il n’existe pas de plan, elles se répartissent au milieu et sur le côté droit : la « chambre de la bibliothèque » et son cabinet, une bibliothèque pourvue d’armoires pleines de livres, un grand appartement dans lequel on note la présence d’une table d’astronomie et un petit jeu de roulettes, une chambres à coucher dite Grande alcôve sans doute réservée à un invité de marque. Dans cette chambre sont représentés des portraits du feu Régent, du duc de Chartres et de sa sœur, sans doute Louise Adélaïde d’Orléans, avant-dernière abbesse de Chelles (à partir de 1719). L’abbaye de Chelles étant toute proche, il est permis de penser qu’Adélaïde (1698-1743) venait en voisine saluer Claude-Elisée de Court, surtout lorsque son frère, le duc de Chartres, lui rendait visite au château de Gournay.
e) Le deuxième étage
Appelé « mansarde » dans l’inventaire, il abrite quatre chambres et leur cabinet ou garde-robe. Ces pièces sont dénommées « chambre de Ville Evrard », « chambre de la niche bleue », « chambre du lit à colonne » et « chambre à alcôve, du côté du bac ». Plus modestes quoique confortables et joliment décorées, elles servent probablement aux invités moins prestigieux.
Ce petit tour d’horizon nous permet d’effleurer l’atmosphère du château de Gournay au temps du chef d’escadre, car il est bien difficile de la restituer par des mots. L’inventaire se cantonne, hélas, à la description des meubles et des peintures murales. A aucun moment il n’est fait mention des peintures des plafonds et c’est regrettable, car elles existent encore bel et bien à la fin du XVIIIe siècle et contribuent à la beauté des lieux.
V – Les jardins
Concevoir l’aménagement des jardins comme un élément constitutif de la beauté d’un domaine est à la mode pendant les règnes de Louis XIV et Louis XV. Le goût en a été insufflé par Le Nôtre qui, en accord avec le roi, a réalisé les jardins de Versailles à la manière d’un parcours initiatique. Cette passion pour les jardins s’est propagée au sein de la grande et de la petite noblesse, chacun voulant créer son petit Versailles à soi. Le jardin devient lieu d’agrément et l’endroit où l’on cultive les végétaux, le tout harmonisé, pour que le plaisir des yeux soit entier. Les traités sur les jardins sont nombreux. Des thèses s’opposent, chacune défendant une sensibilité architecturale et artistique différente : le jardin structuré à la française n’a rien à voir avec le jardin naturel à l’anglaise.
Claude-Elisée de Court n’échappe pas à cette vogue. Pour concevoir son parc, il est assisté par les architectes du duc de Chartres. Selon les témoignages de l’époque, il y attache une grande importance et ne lésine pas sur les moyens. Le résultat est d’ailleurs extraordinaire si l’on se fie à deux sources : la relation de Dézallier d’Argenville[16] et les rapports d’expertise, réalisés après la mort du prestigieux propriétaire. Ces précieux comptes-rendus, accompagnés de plans détaillés dressés par les experts, nous permettent de mieux nous représenter le parc tel qu’il était, et c’est la fascination qui le dispute à l’étonnement quand on s’y aventure. De Court conçoit en effet des jardins d’une grand originalité en s’éloignant du style dit « à la française » comme dans les jardins du château voisin de Champs-sur-Marne par exemple. La rupture n’est pas totale néanmoins, car nous sentons l’empreinte de la tradition dans la symétrie des plans d’ensemble. Il faut signaler l’effort d’innovation notamment dans la partie ouest du parc.
Si aucun témoignage ne nous est parvenu concernant la qualité des invités ayant profité de ces aménagements, on ne peut douter que la famille d’Orléans et ses amis en aient fait partie. En dissertant sur le dernier épisode de la carrière de De Court, le duc de Richelieu nous met sur une piste intéressante : « L’on vient de faire un armement… Le général (De Court) a été choisi pour le prix des petites fêtes qu’il avait données à Mme de Maurepas dans sa guinguette[17] ». On est surpris de lire l’expression « guinguette » dans ce contexte, ce mot étant davantage usité pour évoquer un lieu où l’on boit et où ou l’on danse, même au XVIIIe. Il laisse augurer des plaisirs que l’on pouvait goûter dans le parc de Gournay-sur-Marne.
1) le château est un élément central
La beauté des jardins n’est pas là pour supplanter celle du château mais pour la souligner, la mettre en évidence. La demeure reste l’élément le plus important du domaine, tout doit concourir à son embellissement. Que ce soit la façon dont on accède à la propriété, la cour d’honneur, la position des colombiers, le parc, tout est conçu dans un ensemble, à la manière d’une partition musicale. La nature, façonnée, doit obéir aux caprices du concepteur. Le vide laissé autour du château lui confère un aspect solennel, également étudié.
2) Des espaces verts distincts
De Court se sert de la situation de son domaine, entre Marne et bras Saint-Arnoult, pour élaborer ses plans. Rocailles, statues, boulingrins, jeux et divertissements sont placés afin de créer un jardin qui ferait pâlir d’envie Alice, l’héroïne de Lewis Caroll.
Des vocations différentes sont attribuées aux espaces verts. Les jardins qui se trouvent à proximité de l’habitation ont pour but d’embellir la vue, d’adoucir le regard, alors que les espaces verts situés à l’intérieur du parc, plus éloignés, invisibles de prime abord, constituent un espace privé où ne sont admis que les intimes, les privilégiés. Il est possible que le propriétaire, voulant doser ses effets et réserver des surprises à ses hôtes, ait voulu aller crescendo dans la promenade à travers son parc, partant d’aménagements simples pour terminer par des lieux plus élaborés ou plus insolites.
Sur ce plan réalisé par l’architecte Delespine, en 1772, la propriété forme un ensemble très étudié, dans lequel le jardin occupe une place prépondérante. Plan Archives nationales.
3) La basse-cour
A l’emplacement de l’école maternelle actuelle, la basse-cour est formée d’un ensemble de bâtiments en forme de U (les bâtiments actuels datent du XIXe). Une vie intense s’y déroule car c’est l’endroit où se trouvent la cuisine, le garde-manger et l’office, les chambres des domestiques, l’appartement du concierge, la chambre de l’officier, celle du maître d’hôtel, une infirmerie, et un appartement dédié aux bains, où Monsieur, très soigneux de sa personne, vient prendre son bain grâce à un ingénieux système amenant l’eau du bras Saint-Arnoult et permettant de la chauffer.
4) Partie nord-est (côté bac et passage du bac)
Juste derrière la basse-cour, est signalé un bosquet composé de trois espaces abritant des jeux : le jeu de l’électeur, celui de l’anneau tournant et le jeu de bague. Grâce aux archives conservées par les descendants de Claude-Elisée de Court, nous connaissons dans le détail les règles des jeux du parc de Gournay, elles sont consultables aux archives départementales de l’Ain où le comte de Loriol, descendant par alliance, les a déposées (une copie est accessible auprès de la Société historique NGC).
Un élément remarquable est à noter dans cette partie du domaine, un escalier « qui monte et qui descend », situé à l’extrémité de la propriété, tout près du bac. Ainsi les invités de Claude-Elisée de Court pouvaient se rendre au bac sans avoir à faire le tour par la cour d’honneur et la voie d’accès. La construction mobile, articulée par un ingénieux mécanisme, est en menuiserie. Un kiosque turc a été placé près de cet escalier mobile. L’architecture de cette fabrique fait écho à une mode qui se répand depuis que les bateaux de la Compagnie des Indes reviennent chargés d’objets et d’idées venant des antipodes. La description de Dézallier d’Argenville est très complète : « À l’extrémité de la terrasse qui règne le long de la maison s’élève un kiosque ou belvédère construit à la manière des Turcs, dont le pavé de faïence forme plusieurs tableaux très variés. L’intérieur est meublé d’étoffes venant de Turquie. Dans les pans coupés de ce pavillon qui n’est construit que de planches peintes en vert, sont quatre ouvertures dont on peut jouir, soit par des glaces arrangées en losange qui servent de croisées, soit par des miroirs qui se haussent tout d’une pièce avec des coulisses pratiquées dans l’épaisseur des planches. Il y a dans un renfoncement un canapé qui peut servir de lit, et dans cette niche se trouvent diverses commodités dont la forme est aussi ingénieuse que la place qu’elles occupent. On n’admire pas moins l’art avec lequel les chaises et même les tables de jeu entrent dans la décoration de ce petit édifice. » Au plafond du kiosque turc se trouve un ventilomètre indiquant la force des vents au moyen d’une girouette placée sur le toit.
Les petits édifices ornant un parc prennent le nom de « fabriques ». Le XVIIIe en est friand et l’on voit pousser des fabriques dans les parcs de tous les riches propriétaires. Cette appellation convient aussi bien à un petit pavillon d’agrément, un kiosque, un jeu, une tente, une volière, qu’à un édifice à vocation utilitaire comme une glacière ou des bains. A Gournay, tous ces types de fabriques seront représentés dans les jardins de Claude-Elisée de Court ; on en comptera huit au total. Elles contribuent à l’embellissement des espaces verts et jouent un rôle dans l’aspect général. Le promeneur est surpris, amusé de découvrir ces petites constructions d’inspiration et de taille diverses, en déambulant autour du château.
Toujours dans cette partie nord-est, à droite quand on regarde le château de face, on ne peut oublier de mentionner le cabinet de bains, autre fabrique remarquable. Il est localisé dans les bâtiments de la basse-cour, loin de la demeure principale. L’inventaire, dressé à la mort de Claude-Elisée de Court, évoque un « appartement des bains ». La description qui en est faite donne une impression de confort et d’espace. Outre des salles d’eau, il comporte trois pièces dont une chambre tapissée de « toile de fond bleu et dessins blancs » ; elle est agrémentée d’une cheminée sur laquelle « il y a un trumeau de deux glaces et un tableau de Dpahnis et Chloé. »
La chambre est meublée d’un lit à impériale et équipée de deux garde-robes, l’une étant dotée d’une chaise percée avec bassin, d’un bidet, de cuvettes et de deux pots de chambre. Dézallier d’Argenville dépeint le cabinet de bains comme « propre et élégant ». Le lieu offre un confort indéniable pour l’époque. L’eau est pompée dans le bras Saint-Arnoult et parvient à un réservoir grâce à une pompe installée dans un puits. Elle est chauffée à l’aide d’une chaudière située à l’étage, dans un comble. Un système de tuyauterie de plomb relie le tout.
Les huit fabriques du château de Gournay :
– le kiosque turc
– La tente en bois
– Le cabinet de bains
– Le pavillon de la salle de l’arc
– Le baldaquin chinois
– Le Mont Parnasse
– Le pavillon de l’arquebuse
– Le pavillon de la rotonde
5) Le bois magique (côté ouest)
Sur le plan de Delespine (page 33) le bois abritant de nombreux jeux et fabriques, apparaît distinctement sur la droite de la représentation. Parterres et jeux sont distribués selon un plan qui associe symétrie et fantaisie ce qui constitue l’originalité du site. Cette partie du parc est délimitée par un muret. Les jardins y sont percés d’allées, de contre-allées et de salles (le mot « salle » ici désigne un lieu planté d’arbres qui forment un couvert, une sorte de salle dans un jardin, une « salle de verdure. »[18] Des arbres de différentes espèces ont été plantés et 34 bancs de bois peints en vert ont été disposés. Promenons-nous dans cette sorte de Luna-park avant l’heure, laissons-nous surprendre par ses jeux, ses charmilles, ses tentes et pavillons. Pour peu que l’on fasse preuve d’imagination, nous entendrons les rires des invités autour des buissons, près de l’étang, derrière la glacière ou à proximité du kiosque de musique…
Sans entrer dans les détails, citons quelques attractions : le pavillon de la salle de l’arc, le pavillon au baldaquin chinois, la glacière du Mont Parnasse et son belvédère, le pavillon du jeu de l’arquebuse, le jeu du cadran tournant, l’escarpolette, le jeu de boules, celui de trou-Madame, l’entonnoir.
La glacière, appelée « Mont Parnasse » en référence à la mythologie grecque, était sans doute la fabrique la plus visuelle et la plus spectaculaire du parc. Elle est associée à l’étang (l’étang existe toujours, à l’intérieur de la propriété privée qui longue le parc de la mairie). La glace y était récupérée en hiver, elle était stockée dans la glacière, ce qui permettait de conserver les aliments et de réaliser de délicieux sorbets en été. Claude-Elisée de Court aimait le luxe et le confort, manifestement. Cette tour de 12 mètres de haut et de 7 mètres de diamètre était recouverte d’un mélange de terre, petite meulière et coquillages dans le plus pur style rocaille en vogue à cette époque. A l’intérieur, on trouve une petite grotte servant de cave à vins ; elle est décorée à l’entrée d’un Bacchus à cheval sur un tonneau. Deux caves et deux glacières, l’une de 13m², l’autre de 27m², complètent l’aménagement intérieur. Au sommet, un belvédère permettait aux visiteurs d’admirer la vue sur la Marne et les couchers de soleil, tout en se détendant sur un baldaquin en forme de croissant mauresque. La tour tenait encore debout vers 1960, elle a disparu lorsque Gournay s’est étendu de manière plus intensive. Les pierres et autres éléments rocailleux ont servi à édifier le mur d’enceinte d’une propriété privée donnant sur le boulevard Foch
La glacière, photographiée au début du XXe siècle.
Elle a servi de terrain de jeux aux enfants de Gournay avant sa destruction vers 1960.
La tente en bois, couverte en plomb, présentait également un certain raffinement : « garniture en satin du levant, sofa couvert de satin, lit à l’impérial ou baldaquin garni également de satin doublé de taffetas blanc, chaises à la reine, deux bibliothèques de chaque côté du sofa, tables à madrille, jeu de dames à la polonaise, une table de piquet, une autre de trictac.
L’escarpolette
Une autre tente, en toile cette fois, proposait des tables de jeux, dont un jeu d’échecs.
Le jeu de l’arquebuse, à l’extrémité du parc, est bien décrit dans l’inventaire de 1752 : « Il y a un cabinet de treillage peint en vert et en dôme où l’on se met pour tirer, il y a des bancs en contour du cabinet, il y a une escarpolette sur ses deux piliers avec ses poids, au bout du dit jeu il y a une armoire peinte en rouge dedans qui sert à mettre les arquebuses… » L’escarpolette, très à la mode au XVIIIe siècle, se trouve curieusement associée au jeu de l’arquebuse à Gournay, elle se trouve apparemment sur la trajectoire des balles. On s’interroge sur cette combinaison et l’on se demande si elle ne servait pas à pimenter le jeu.
Les hasards heureux de l’escarpolette
Oeuvre de Fragonard
Le jeu de Trou-Madame était prisé. Il se joue avec une planche percée de trous, le but étant de mettre une balle dans chaque orifice. La ligne d’envoi se situe à quatre, cinq ou six mètres, à la convenance des joueurs.
Règlement du jeu de Trou-Madame (site internet www.jeuxpicards.org)
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Suivant la puissance et l’adresse des joueurs, ceux-ci se placeront pour jouer dans un cercle fixe, tracé au sol. Le cercle sera placé au minimum à 4 mètres du fronton. Après quelques parties, l’aire de lancement pourra être éloignée du fronton. Avant le début de la partie, un trait au fronton sera tracé au sol, à 2 mètres de la façade de ce dernier. Les galets lancés par les joueurs devront rouler sur le sol avant de franchir ce trait. Tout galet qui ne roulerait pas au passage du trait se trouve disqualifié et doit être retiré du jeu. Même s’il pénètre dans une case, les points ne seront pas comptés et les galets ne pourront pas être rejoués. Le galet marque les points de la case dans laquelle il est entré. Plusieurs galets peuvent entrer dans une case. Le montant des points marqués étant alors celui que donne la valeur de la case multipliée par le nombre de galets entrés dans cette dernière. Si 2 galets entrent dans une case désignée à l’avance, le total des points marqués sera multiplié par 2. Si les 9 premiers galets entrent dans 9 cases différentes, le montant des points marqués est multiplié par 5. Un galet peut en pousser un autre et l’aider à entrer dans une case. Un galet est considéré entré dans une case si le centre du galet a dépassé la façade intérieure du fronton. Chaque galet qui dépasse la ligne, qui pourrait poursuivre de chaque côté la façade du fronton, est considéré comme joué et ne peut plus être remis en jeu pour la manche ou la partie en jeu. Si le galet joué le premier ne dépasse pas le trait tracé à 2 mètres, il ne pourra pas être rejoué. La moitié des suivants pourront être rejoués. La partie peut se jouer individuellement ou par équipes, mais pour l’intérêt du jeu et favoriser une rotation plus rapide, il est bon de ne pas multiplier le nombre de joueurs à l’infini. La partie peut se jouer avec tous les galets ou un nombre décidé à l’avance. Les galets devront être lancés individuellement. Plusieurs joueurs ne peuvent lancer en même temps. Les galets ne pourront être que lancés à la main. Ce jeu convivial permet à tous les membres d’une famille ou à un groupe d’amis de tout âge de se distraire ensemble. |
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Les statues de Démocrite et Héraclite : au détour d’un ovale, deux petites allées aboutissaient à un espace rectangulaire où étaient présentés les bustes des deux philosophes grecs. Le choix de ces deux maîtres n’est pas anodin. La légende veut que Démocrite se soit crevé les yeux afin d’entrer en son for intérieur et favoriser la méditation, on le représente généralement riant de tout. Héraclite est dépeint pleurant de tout et ne voyant que le côté tragique des choses, le temps qui passe, l’incertitude de la création. Ces bustes ajoutent une note méditative plaisante dans ce jardin équilibré, voué à l’amusement.
Carte de l’abbé de la Grive
La rotonde est un autre élément clé dans l’organisation du parc. Elle est construite en dehors du parc comme l’atteste ce plan, à l’extrémité d’une jetée. Cette bande de terre traversait la prairie appartenant aux moines du prieuré de Gournay depuis le haut Moyen Âge et appelée « Epargne-maille » sans doute parce qu’elle était exempte d’octroi. Ce monticule de terre rectiligne avait pour but de ralentir le débordement de la Marne sur la prairie. Elle était flanquée d’un mur de pierre et traversée par une allée centrale de sept mètres de large. Deux contre-allées, une de chaque côté, étaient bordées d’arbres et d’arbustes. La digue se terminait par une place en demi-cercle sur laquelle Claude-Elisée de Court avait fait ériger une rotonde en bois et fer blanc, à la romaine, soutenue par huit colonnes et équipée de bancs peints en vert. Sur la carte, on notera l’étendue boisée appartenant au domaine de Ville-Evrard, de l’autre côté de la Marne. Sur la place de la rotonde, on venait écouter de la musique en regardant couler la rivière. Il est possible que Claude-Elisée de Court ait négocié avec le prieur de Gournay pour percer cette digue et la place sur les terres relevant du prieuré, afin de prolonger son jardin.
6) Le jardin potager
Loin d’être relégué aux oubliettes, le jardin potager du XVIIIe siècle s’intègre dans la composition d’ensemble des espaces dédiés à la nature, et le parc de Gournay n’échappe pas à cette règle. Le meilleur exemple illustrant cette tendance est le jardin potager du roi à Versailles.
Celui de Gournay s’étendait de l’autre côté du bras Saint-Arnoult, à proximité de la ferme qui dépendait de la seigneurie de Champs au temps de Claude-Elisée de Court (c’est le duc de La Vallière qui possède le beau château de Champs-sur-Marne du vivant de Claude-Elisée de Court). On peut voir l’étendue de ce jardin potager sur la carte de l’abbé de la Grive, page précédente, ainsi que les bâtiments de la ferme.
Le potager fournissait les fruits et légumes au château. Il était divisé en trois parties séparées par des murets et clos de murs sur tout le pourtour. On y accédait soit par une grille en fer, située dans le mur circulaire du rond-point accédant au château, soit par une porte donnant sur la route de Noisy-le-Grand, soit encore par un petit pont de bois qui enjambait le bras de rivière (vers la place de la République actuellement). La grille et le petit pont de bois ont disparu au cours du XXe siècle.
Le petit pont donnant accès à l’ancien potager figurait encore sur les cartes postales du début du XXe siècle.
Les différentes parties potagères étaient plantées de légumes et séparées par des allées d’arbres fruitiers. D’autres arbres fruitiers sont plantés le long du mur d’enceinte ainsi que des ceps de vigne cultivés en espalier, accrochés sur des treillages. Deux puits permettent l’alimentation en eau. Un rapport rend compte de 289 pommiers, 197 poiriers, 55 pruniers, 2 cerisiers, 18 abricotiers, 2 néfliers, 1 noisetier, 53 pêchers, 13 figuiers et 1 alisier.
VI – La guinguette de M. de Court
On peut se demander pour qui étaient construites ces installations, ces fabriques, ces jeux, ces recoins ravissants, pour qui avait été conçus cette atmosphère ludique et délicieuse et ces espaces bien pensés ? Claude-Elisée de Court n’était pas marié et n’avait pas d’enfants (connus en tout cas), c’est assez surprenant pour un homme de son rang car le mariage était avant tout « social » dans sa caste, il représentait le seul moyen de perpétuer une filiation, ce qui était considéré comme un devoir dans ce milieu. Ce n’étaient pas les dames qui manquaient pourtant dans son entourage. Nous savons qu’il était très attaché à sa sœur Charlotte et à son neveu Louis-Alexandre-Catherine, il est probable qu’il reportait toute son affection sur ce neveu à qui il cèdera d’ailleurs titre et dignité de comté pour le fief familial, et qui deviendra son légataire universel à sa mort.
Il semble que ce jardin extraordinaire ait fait partie de son « train de vie », qu’il correspondait à l’image qu’il voulait donner de lui. On le sait très attaché à ses terres de Gournay. Les descriptions de la demeure dans les différents rapports attestent son goût pour le raffinement, le jardin était en quelque sorte un prolongement de cet art de vivre qu’il cultivait.
Comte de Maurepas
Il en faisait profiter ses relations, ses amis, ses invités, parmi lesquels on comptait des personnalités très influentes. Sous la plume de Maurepas, secrétaire d’Etat à la Marine de Louis XV, nous apprenons que Mme de Maurepas, son épouse, « aimait à participer aux fêtes organisées par M. de Court dans sa guinguette… » On devait beaucoup s’amuser dans le parc de M. de Court. Après les jeux, les victuailles devaient être servies en abondance, sans oublier l’été ces délicieux sorbets que l’on préparait à l’aide de la glace conservée depuis l’hiver dans la glacière du Mont Parnasse. La journée pouvait se terminer au sommet du belvédère d’où l’on admirait la Marne, ou bien sur la rotonde, où l’on écoutait de la musique.
VII – Les relations de Claude-Elisée de Court de la Bruyère
1) Avec la noblesse
Le duc de la Vallière, à cette époque, occupe le château voisin de Champs-sur-Marne et l’on pourrait croire que les deux hommes se fréquentent, mais aucune mention n’évoque cette éventualité. Il faut dire que les coteries et les affinités répondent à des critères difficiles à appréhender de nos jours. Chacun évolue dans un milieu particulier et les liens entre personnalités sont très codifiés.
Le château de Champs-sur-Marne
Claude-Elisée de Court fréquente la cour, mais ses amis se trouvent surtout dans l’entourage de la famille d’Orléans.
Jusqu’à sa mort, il gardera un appartement dans le Pavillon d’Orléans à Versailles et un autre au Palais Royal, résidence des Orléans.
Louis d’Orléans, (1703-1752), Duc de Chartres puis en 1723 Duc d’Orléans
Louise Adélaïde d’Orléans avant 1719
On trouvera d’ailleurs dans les registres paroissiaux de Gournay-sur-Marne, la trace de plusieurs mariages entres les domestiques du duc d’Orléans et ceux de Claude-Elisée de Court, signe que les deux clans se fréquentaient assez régulièrement pour que les domestiques finissent par se marier entre eux.
Louise Adélaïde d’Orléans, abbesse de Chelles, n’avait que la Marne à traverser pour retrouver son frère, Louis d’Orléans, chez leur ami de Court. Le duc de Saint-Simon écrivit d’elle : « Tantôt austère à l’excès, tantôt n’ayant de religieuse que l’habit, musicienne, chirurgienne, théologienne, directrice, et tout cela par sauts et par bonds, mais avec beaucoup d’esprit, toujours fatiguée et dégoûtée de ses diverses situations, incapable de persévérer en aucune, aspirante à d’autres règles et plus encore à la liberté, mais sans vouloir quitter son habit de religieuse… »[]
Saint-Simon, le célèbre historiographe à la dent dure, parle de Claude-Elisée de Court en des termes peu flatteurs, le qualifiant de « pédant achevé. » N’oublions pas que De Court était un hobereau : l’ambiance de la cour le fascine, certes, en même temps il ne devait pas se sentir très à l’aise dans ce milieu de faux semblants et d’une grande dureté. Sans doute était-il plus dans son élément sur un navire ou dans son domaine de Gournay où il avait réussi à créer son propre univers et son refuge.
2) Avec les villageois
Gravure de Jean-Baptiste-Nicolas Pillement (1728-1808), annotée « Vue de Gournay prise de la voie qui conduit à la rivière en venant de Noisy ». Datée de 1770. photo BnF
Les registres paroissiaux nous apprennent que M. de Court employait plusieurs personnes de Gournay pour son service et l’entretien du domaine. Claude Masson était jardinier au château tandis que sa femme était à la cuisine ; Jean-François Vigneux était cocher (son maître possédait un carrosse de ville et une berline de campagne) ; Renard était concierge au château ; les filles de l’ancien jardinier Duchemin servaient également en cuisine.
Les mêmes registres nous renseignent sur les activités des Gournaysiens en ces temps reculés : ils étaient jardiniers, compagnons menuisiers, manouvriers, employés de ferme, vignerons, laboureurs, journaliers. Il y avait également un maître d’école qui répondait au nom de Mottet. Une concierge pour le prieuré de Gournay se faisait appeler Catherine Morel. Un certain Roux était marchand de vin. Un chirurgien était attaché au service de M. de Court, selon un registre. Un maître perruquier, le fermier du péage du bac, le curé de la paroisse, Dalby, complétaient le tableau.
L’abbé Alary, prieur de l’ancienne abbaye, avait succédé à l’abbé Dangeau, (tous les deux intellectuels réputés et académiciens.)
Les actes de naissance et de décès, tenus à jour par le curé de la paroisse, nous révèlent que des liens s’étaient créés entre les serviteurs de Claude-Elisée de Court et ceux de la famille d’Orléans. Ils étaient parrains ou marraines des enfants des uns ou des autres, ce qui confirme que le seigneur de Gournay était ami des Orléans.
Gournay était alors un tout petit village comme l’attestent les plans de l’époque ou la gravure de Pillement, page précédente. La vie des Gournaysiens était rythmée par celle du château et l’activité (de plus en plus restreinte) de l’abbaye et du prieuré. Le prieur engageait également des villageois pour entretenir les bâtiments, les jardins, les dépendances et les terres de l’ancienne abbaye. La ferme qui se situait de l’autre côté du bras Saint-Arnoult (rue de la ferme actuellement) et qui dépendait du duc de la Vallière, propriétaire du château de Champs-sur-Marne, donnait également du travail à une poignée de Gournaysiens. Fort heureusement, car la terre à Gournay n’était pas bonne, elle était sans cesse recouverte du limon des inondations récurrentes, et les habitants auraient eu peu de moyens de subsistance sans ces pourvoyeurs de travail qu’étaient le château, le potager, la ferme et le prieuré.
Les visiteurs illustres, les parties de chasse, les réceptions dans les châteaux et domaines avoisinants animaient la vie des villages de la Brie.
Peinture représentant la façade nord de l’ancien prieur de Gournay, repris par le prieur commendataire l’abbé Alary en ce début de XVIIIe siècle.
L’abbaye, fondée par Guy le Rouge et sa femme Adélaïde, a connu son apogée au XIe et XIIe siècles. Dédiée à la Vierge Marie et à saint Jean l’Evangéliste, elle dépendait du monastère de Saint-Martin-des-Champs. Photo collection privée.
Grossissement du plan De la Grive
3) Litige entre le vice-amiral et le prieur de Gournay
L’abbé Alary (1690-1770) était alors le prieur de Gournay depuis qu’il avait succédé à l’abbé Dangeau en 1721. L’abbaye de Gournay avait perdu son aura de l’ère médiévale, elle n’était plus qu’une résidence, une sorte de « fief » pour le prieur commendataire qui percevait des dîmes des nombreuses terres attachées au domaine. Brillant intellectuel, il fréquente la cour, les salons, le Procope et rencontre les penseurs et les philosophes tels que Voltaire, Rousseau, Montesquieu. Passionné d’histoire, il s’intéressait aussi à la politique en général et à la politique étrangère en particulier. Il n’atteindra jamais la notoriété d’un Voltaire, mais il était très influent dans les milieux intellectuels de son temps. En 1723, grisé par son ascendant sur les cercles de penseurs, il créa un club dans l’entresol d’un hôtel particulier de la place Vendôme, d’où le nom d’ « Entresol » qui fut donné à ce groupe de brillants personnages parmi lesquels on peut citer l’abbé de Saint-Pierre, le comte de Plépo, Montesquieu, Argenson et bien d’autres. Leur souhait était de changer le monde, organiser autrement la société et rendre l’être humain libre et heureux. Ils concevaient des systèmes politiques qui défieraient la monarchie absolue. Alary rencontrait également des penseurs étrangers tels que Newton et surtout Bolingbroke avec lequel il échange une longue correspondance.
Le prieuré de Gournay n’était qu’une source de revenus pour lui, un refuge où il venait méditer.
Contraint de fermer l’Entresol, jugé trop subversif par Fleury en 1732, n’obtenant pas le poste espéré de précepteur du dauphin qu’il convoitait, il se retirera de plus en plus à Gournay.
Le prieur et le vice-amiral de Court étaient les deux seigneurs de Gournay en quelque sorte. Ils régnaient à leur manière sur la petite communauté de paysans et de manouvriers qui y vivaient pauvrement. Ils leur donnaient du travail pour exploiter leurs terres et les servir. Bien qu’ils aient fréquenté les mêmes milieux à la cour et à Paris, les deux hommes ne s’aimaient guère. Alary était un fin lettré, pétri de philosophie et de culture, nourri d’idées avant-gardistes tandis que Claude-Elisée de Court était un marin, un homme de terrain et d’action, attaché aux privilèges de la noblesse, aux principes de la hiérarchie.
La discorde est née entre eux à la suite d’un litige portant sur un revenu foncier à Gournay. Alary s’en plaignit à son ami anglais Bolingbroke qui lui répondit dans une lettre : « Le tour qu’a pris votre procès ne me paraît pas fâcheux pour vous. Votre revenu s’augmente et vous n’avez plus rien à démêler avec un homme qui entend mieux la chicane que vous… » Cette lettre laisse deviner la qualité des relations que le vice-amiral de Court entretenait avec le prieur de Gournay.
Restauré par l’abbé Alary, le prieuré tombera finalement en ruines puis sera détruit par un incendie à la fin du XIXe siècle. Des promoteurs revendront le domaine par parcelles et toutes traces de l’abbaye de Gournay disparaîtront. Quelques maigres vestiges sont encore visibles au musée Eugène-Carrière et dans une propriété privée.
VIII – La mort d’un homme
Claude-Elisée de Court de la Bruyère rend son âme à Dieu le 19 août 1752, dans son château de Gournay, à l’âge de 86 ans, six mois et quatre jours, nous dit le registre paroissial, en présence de son cher neveu, Louis-Alexandre-Catherine Duport de Montplaisant, comte de Loriol, qui a été prévenu à temps. Il a été inhumé le lendemain dans une chapelle de l’église Saint- Arnoult. Son neveu, qui était son légataire universel, et un cousin issu de germain, Jacques-Alexis Dehure Clais, tonsuré, assistaient à l’enterrement. Sur une pierre tombale aux armoiries de la famille de Court, commandée par Louis-Alexandre-Catherine, une épitaphe en latin résume la vie de l’homme et glorifie son courage, sa piété et sa fidélité envers la famille d’Orléans.
Dans son testament, daté de 1749, le vice-amiral a pris soin de préciser qu’il désirait être enterré à Gournay, et que son corps devait y être apporté s’il était appelé à mourir ailleurs, montrant ainsi son attachement au village de Gournay qu’il avait fait sien.
Dans ce même testament, il léguait de l’argent et parfois des actions de la Compagnie des Indes à ses domestiques, aux pauvres, à la paroisse de Gournay, à celle de Saint-Eustache (dont il dépendait quand il résidait à Paris au Palais Royal), à l’hôpital de Pont-de-Vaux, à sa belle-sœur, veuve de son frère, à sa nièce qui était religieuse. Les domestiques mentionnés sont : François, son valet de chambre, Couché, son officier, Fraine, sa cuisinière, Saint-Laurent, son cocher, La Cose, son laquais ainsi que Maurice, son frotteur. On trouve aussi Duguet, le concierge du pavillon d’Orléans à Versailles, Renard, le concierge de sa maison de Gournay, Masson, son jardinier, la femme Duchemin, autre cuisinière, et les enfants de son ex-jardinier Duchemin.
Pierre tombale de Claude-Elisée de Court dans l’église paroissiale Saint-Arnoult
Après avoir exploré la vie de cet homme, que savons-nous au fond de lui, de sa psychologie, de son idéal ? Beaucoup de choses et si peu à la fois. Lorsque nous croyons le saisir, il nous échappe. On le voudrait d’un bloc, campé sur ses privilèges aristocratiques et sa position sociale, c’est en réalité un être plus complexe qu’il n’y paraît. Nous sommes tentés de le caricaturer, tant il correspond aux idées reçues que nous avons sciemment entretenues sur les hommes de ce siècle fascinant, mais rien n’est plus fragile qu’une caricature. On le croit imbu de sa personne, avide de reconnaissance ? C’est vrai et c’est faux. On apprend en effet qu’il a cédé titre et dignité, qui lui revenaient normalement, à son neveu Louis-Alexandre-Catherine Duport de Montplaisant, comte de Loriol, en 1743.
Château de Loriol où Claude-Elisée de Court rendait probablement visite à son neveu
On pense qu’il aime parader à la cour ? On découvre qu’il est si attaché à ses terres de Gournay, qu’il choisira de s’y faire inhumer.
Il aime la cour, être entouré, certes, mais il ne dédaigne pas la vie à la campagne où il a peut-être l’illusion, plus qu’à la cour, de régner en maître.
Claude-Elisée de Court est à la fois un homme de la mer, un soldat, et un courtisan. Aussi solitaire que mondain. C’est un homme aux multiples facettes comme tout un chacun. Il se cache derrière son personnage et conservera à tout jamais une part de mystère.
IX – L’agonie du château de Gournay
1) Une mort lente mais inexorable
Le neveu du vice-amiral de Court vendit la propriété de son oncle défunt au marquis du Châtelet et à son épouse, Marie-Thérèse de Gravier de la Rochefoucaud d’Urfé. Le couple se trouva en grandes difficultés financières et resta longtemps débiteur du seigneur de Montplaisant, comte de Loriol. Des rapports d’expertise furent réalisés pour régler le litige entre les parties. Au fil des comptes-rendus rédigés par différents experts, nous assistons à la lente mais inexorable décrépitude du château. De quoi faire retourner dans sa tombe Claude-Elisée de Court qui avait tant soigné sa demeure pendant trente-trois ans.
En 1771, le roi ordonna finalement la réunion du château de Gournay au domaine royal ; il en confia la gestion au sieur Lejay, greffier au parlement de Paris, par un bail emphytéotique. Lejay ne sauvera pas le château du désastre. La pluie pénétrait par les fenêtres, les boiseries et les parquets étaient inondés, les jardins et le parc étaient à l’abandon, couverts de ronces, les bâtiments de la basse-cour étaient en ruine, le domaine ne ressemblait plus à rien.
La veuve Michel, seigneur de Champs-sur-Marne et propriétaire du château de Champs, fit des pieds et des mains pour reprendre le château de Gournay, arguant qu’il relevait de sa seigneurie. Elle obtiendra gain de cause en 1777 et récupérera le domaine par adjudication. En réalité, le château de Gournay ne l’intéressait que pour agrandir sa châtellenie et elle délaissera le château de Gournay.
Jusqu’à la Révolution, le château et son parc restèrent en sommeil, on continua d’y abattre les arbres, sans doute pour se chauffer. Un rapporteur note en 1790 : « Le parc se trouve en friches, couvert de ronces et les murs détruits… »
A la fin du XVIIIe siècle, l’heure de gloire du château de Gournay est terminée. Jamais il n’aura été aussi beau que du vivant de son ancien seigneur, le vice-amiral Claude-Elisée de Court de la Bruyère, de 1719 à 1752.
2) Qu’est-il advenu de l’artillerie du château de Gournay ?
Après sa victoire très contestée de 1744 contre les Anglais, le vice-amiral de Court entra en disgrâce, un état qui ne dura pas très longtemps, car le roi Louis XV rendit très vite hommage à ce grand serviteur du Royaume. En cadeau, il lui remit 16 canons armoriés à ses armes ou à celles du duc d’Orléans, des mortiers et des boulets. Montés sur leurs affûts, les canons furent placés à l’intérieur du château de Gournay et participèrent à son décor.
A la mort de Claude-Elisée de Court, douze canons partirent à Loriol dans la propriété de son neveu. Quatre canons restèrent à Gournay, ils furent mentionnés dans la succession du nouveau propriétaire du château. Nous perdons leur trace au moment de la Révolution.
Les douze canons installés à Loriol furent enlevés en 1789 et transférés à Pont-de-Vaux où ils étaient censés être protégés. Au siècle suivant, ils furent confiés à la ville de Bourg-en-Bresse qui les demanda pour saluer dignement le passage d’une personnalité de haut rang entre ses murs. Les canons ne furent jamais rendus à la ville de Pont-de-Vaux et disparurent de la circulation.
C’est beaucoup plus tard qu’un descendant de la famille de Loriol reconnaîtra deux de ces canons dans un musée de Dijon où ils avaient été placés par on ne sait quel hasard. Il obtiendra qu’ils soient restitués au château de Loriol.
Un des canons retrouvés Château de Loriol
X – Sources, bibliographie, iconographie
- Promesse de vente entre la princesse de Conti et Claude-Elisée de Court. A.N 265 A.F 179 M.I 368
- Mémoire d’Aimée Lamy, 1994 « Le parc du château de Gournay-sur-Marne »
- Rapports d’expertise de 1768, 1772, 1788
- Article de Georges Guyonnet, 1952
- Archives de la famille de Loriol : testament de Claude-Elisée de Court, succession, inventaire du mobilier, règles des jeux du parc, copie de la lettre de M. de Court à l’évêque de Rennes.
- Registres paroissiaux et archives communales
- Archives départementales de Seine-Saint-Denis et de l’Ain
- Archives nationales : Fonds Marine Cotes : MAR/C/7/1-MAR/C/7/89 dossier 11 https://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/media/FRAN_IR_053796/c-3aiwzar25-13vywdkc7svld/FRAN_0162_42397_A
- Musée National de la Marine
- « L’abbé Alary, un homme d’influence au XVIIIe siècle » de Nicolas Clément, ed. H. Champion, 2002
- Articles de Jacques Guillard dans les bulletins municipaux de la ville de Gournay-sur-Marne
- La Société historique de Gournay-sur-Marne, Noisy-le-Grand et Champs-sur-Marne
- Ministère de la Culture https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00079935
Iconographie :
- Musée National de la Marine
- Musée de Chintreuil Pont de Vaux, Mme Nelly Catherin-Bass
- BnF – Gallica.bnf.fr
- Archives nationales
- Société Historique de Noisy-le-Grand, Gournay-sur-Marne, Champs-sur-Marne et archéologique de Marne-La-Vallée.
- Patrice Malette
- Jacques Guillard
- Maryse Rivière
- Wikipedia
Remerciements :
Nous tenons à remercier particulièrement Jacques Guillard, Roland Cardot et la Société historique de Gournay-sur-Marne, Noisy-le-Grand, Champs-sur-Marne qui ont contribué à l’élaboration de cette étude. Un grand merci également à Arnaud de Loriol qui nous a ouvert ses archives ainsi qu’à Frédéric d’Agay pour ses conseils avisés.
photo M.R.
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La Provence, Versailles et Paris, Frédéric d’Agay, Provence historique Tome LVII – fascicule 230 ↑
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Echelles du Levant : ports de l’Empire ottoman dépendant directement du roi de France, depuis qu’un accord avait été passé entre François Ier et le Sultan au XVIe siècle (Constantinople, Smyrne, Alexandrie) avec lesquels la France commerçait. ↑
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En temps de guerre, le corsaire était autorisé, par une lettre de course, à s’attaquer aux marchandises transportées sur mer par l’ennemi, mais jamais aux objectifs militaires. ↑
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Fils légitimé de Louis XIV et de Mme de Montespan. ↑
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https://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr/sites/default/files/2020-11/expo virtuelle complète – Copie.pdf ↑
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Archives du comte de Loriol ↑
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après le décès en février d’un des titulaires du grade de Grand Croix de l’ordre royal et militaire de Saint Louis. ↑
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Note 2024 de la SHNGC : Selon le catalogue raisonné de Hyacinthe Rigaud, par Stéphan Perreau, docteur en histoire de l’art (2024) https://www.hyacinte-rigaud.com/catalogue-raisonne-hyacinthe-rigaud/portraits/1246-bourbon-louis-alexandre-de-2, Rigaud a peint en 1708 dans un décor de marine le comte de Toulouse, Louis Alexandre de Bourbon, (1678-1737) qui était depuis l’âge de cinq ans Grand Amiral, et qui fut victorieux en 1704 d’une bataille navale près de Malaga. Il y est paré en écharpe du ruban bleu de Grand Croix de l’ordre royal et militaire de Saint Louis. Le paiement en 1708 de 1200 livres par le comte est dans les comptes de l’artiste. La toile est à l’inventaire du Musée National de la Marine. ↑
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Le fils du duc d’Orléans portera le titre de duc de Chartres jusqu’à la mort de son père en 1723, date à laquelle il prendra à son tour le titre de duc d’Orléans. ↑
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C’est le seul château de style Louis XIII encore existant en Seine-Saint-Denis. ↑
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Appellation que l’on donnait à une résidence de campagne. ↑
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Le dernier pont avait été détruit au cours de la Fronde, vers 1649. Depuis cette date, on franchissait la Marne à Gournay par un bac. ↑
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S’il existait encore, ce petit pont de bois serait situé non loin de la place de la République, dans les jardins des propriétés entre la rue des Bruyères et le boulevard Gallieni. ↑
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Le mémoire d’Aimée Lamy de 1994, consacré au parc du château de Gournay-sur-Marne nous a fourni de nombreuses précisions sur l’aménagement du domaine par Elisée de Court. Il est consultable auprès de la Société historique de Noisy-Gournay-Champs. ↑
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Cabinet du Maire actuellement ↑
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Voyage pittoresque des environs de Paris, ou descriptions des maisons royales, châteaux et autres lieux de plaisance, situés à 15 lieux aux environs de cette ville, 1752. Nouvelle édition en 1762. ↑
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Mémoires. Cité par Maurepas. ↑
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Référence mémoire d’Aimée Lamy, 1994 ↑